C…, un beau jeune homme de 28 ans, a reçu une terrible blessure : il lui sera refusé désormais d’être mari et père. Il est reparti pour le front avec la volonté de se faire tuer… Dans mon quartier, un facteur de la région du Nord, que l’administration des postes a employé à Paris, vient de retrouver sa femme et ses deux filles. Les trois malheureuses, violées par des soldats allemands, sont enceintes… Il n’y a pas de pires atrocités de l’invasion. Comme horreur, l’infortune de ces trois femmes passe les mots.
La région du Nord aura connu d’ailleurs toutes les détresses. Nous apprenons qu’à Lille, où le bombardement a causé des ravages affreux, la population meurt de faim et a obtenu d’être ravitaillée par la Suisse. Armentières, grosse cité industrielle, n’a pas moins souffert. Les journaux annoncent que la rue de l’Humanité a été la plus éprouvée. Lugubre ironie. Il semble que les Allemands la sentent et se complaisent à faire payer cher à notre démocratie non seulement ses illusions, mais jusqu’à son vocabulaire. On me dit que, dans les régions envahies, chaque fois que des otages sont saisis, les Allemands tiennent à faire figurer à côté des autorités civiles, du clergé, des châtelains, usiniers ou bourgeois les plus marquants, des secrétaires de syndicats ouvriers. Des notables du quatrième Etat ont été emprisonnés, parfois fusillés, en même temps que des curés, des gentilshommes et des capitalistes. Voilà l’union des classes réalisée par l’ennemi. Et nous nous rappelons alors ces théoriciens, qu’on nomme aujourd’hui les théoriciens du doigt dans l’oeil, et qui ne voulaient pas que la question politique se posât d’abord au point de vue national… •
Henri sur Journal de l’année 14 de Jacques…
“D’abord nous remercions chaleureusement le Prince Jean de ses vœux pour notre pays et de répondre…”