Pierre Allard, sous-officier à la mobilisation, est aujourd’hui lieutenant de hussards. La guerre lui apparaît comme une aventure admirable, un coup de fortune inespéré dans sa vie; il est de la race nombreuse des Français qui sont évidemment nés pour cela. Venu en mission à Paris, il nous dit ses impressions, qui sont celles d’un observateur aigu et en même temps d’un optimiste, porté à ne voir que le beau côté des choses. Il est certain que nous aurons le dessus. La résistance des Allemands faiblit, il en a un sentiment qui ne peut pas le tromper, car voilà bientôt cinq mois qu’il fait campagne, et il peut comparer l’armée allemande telle qu’elle était dans sa force à ce qu’elle est aujourd’hui; il a eu deux chevaux tués sous lui et abattu sept Prussiens de sa main. Il les a vus dix fois d’un courage étonnant dans l’assaut, marchant au canon en masses profondes, qui donnaient l’impression de la horde, se tenant par le bras pour rendre leurs lignes plus compactes et chantant le Wacht am Rhein. Dans nos lignes, les plus braves se sentaient frémir en les voyant avancer. La certitude même que le canon de 75 et les mitrailleuses briseraient leur élan et que la baïonnette en aurait raison ensuite ne dompte qu’à la longue ce frémissement de la chair.
Pierre Allard confirme que les munitions ont manqué souvent et non seulement les projectiles pour l’artillerie mais jusqu’aux cartouches. Pas de jumelles : il a fallu en prendre sur les Allemands qui en ont tous et d’excellentes. C’est de la même manière aussi que nos combattants, du côté d’Arras, sont munis de cartes de la région : au départ on ne leur avait donné que celles du Rhin, comme en 1870… Et c’est un optimiste qui parle. Avec tous ses compagnons d’armes, Pierre Allard croyait le général Percin fusillé; les Anglais eux-mêmes, depuis l’affaire de Lille, l’appelaient Bazaine. Nous lui avons dit que Percin se promenait hier dans les couloirs du Palais-Bourbon.
« Je ne répéterai pas cela à mes hommes, à dit Pierre Allard. Ils en jetteraient là leurs armes de dégoût. » •
Henri sur Journal de l’année 14 de Jacques…
“D’abord nous remercions chaleureusement le Prince Jean de ses vœux pour notre pays et de répondre…”