On en a beaucoup parlé, à juste titre, et un peu partout : le réseau des sites majeurs de l’architecte militaire de Louis XIV a été ajouté à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Du moins douze des quatorze sites conçus en France par Vauban et candidats au titre de Patrimoine mondial de l’humanité ont été classés par l’Unesco : «Bazoches n’a pas été retenu, car il ne s’agit que de l’aménagement d’un château du XIIe siècle et Belle-Ile non plus, car sa citadelle a été atteinte dans son intégrité par un hôtel. Dommage car ce sont tous deux des sites privés», note Jean-Louis Fousseret, président du réseau des sites majeurs de Vauban, maire de Besançon, et initiateur du projet. Quoi qu’il en soit, c’est une belle victoire posthume pour Vauban, qui se voit ainsi consacré au plus haut niveau juste après qu’on ait dignement célébré son tricentenaire en 2007 (1).
Durant sa vie, Vauban a bâti quelque 250 ouvrages militaires, du petit fortin à la ville fortifiée, dans les limites actuelles de la France mais aussi au-delà, car les frontières fluctuèrent au gré des guerres. Il s’illustra autant dans le plan d’ensemble (la fameuse «ceinture de fer», protégeant le «pré carré» de Louis XIV) que dans le détail : par exemple tandis qu’il sanctuarisait le littoral Ouest en utilisant chaque rocher et chaque relief, il faisait aussi remplacer les fusils à mèche des soldats, trop visibles de nuit, par des fusils à silex, évidemment plus discrets.
On trouvera une foule d’explications et de renseignements très utiles sur l’excellent site dédié à Vauban et à son œuvre : http://www.sites-vauban.org/rubrique.php3?id_rubrique=41 ; et de très belles photos aériennes sur le site : http://www.linternaute.com/sortir/les-citadelles-vauban-vues-du-ciel/2007-l-annee-vauban.shtml
Mais pourquoi, au fait, s’intéresser et se réjouir de cette consécration universelle que reçoit aujourd’hui celui qu’il n’est nullement exagéré d’appeler un génial bâtisseur ?
Par simple gloriole, pour une certaine image de la France ? Oui, bien sûr, il est toujours agréable de recevoir une telle récompense, mais –comme dirait l’autre…- « C’est un peu court, jeune homme !…. ».
Pour les retombées économiques que cette distinction ne manquera pas d’avoir, par le biais du tourisme, sur les économies locales ? Là non plus, on ne va pas bouder son plaisir, et si ce classement apporte un surcroît d’activité, tant mieux ! Mais ce serait franchement mesquin de ne voir que ce côté des choses ; et les considérer seulement, ou surtout, sous cet aspect économique et mercantile, ce serait assurément, là aussi, prendre le problème du mauvais bout de la lorgnette.
En réalité, il y a au moins trois bonnes raisons de se réjouir de cette reconnaissance.
D’abord, Vauban est un excellent exemple de ce que peut être et de ce que peut faire une véritable écologie, dans le respect de la Nature, de la Création. Il a en effet toujours oeuvré dans le sens de l‘intelligence des environnements –toujours différents- où il était appelé à travailler, avec amour et respect pour tous les pays, tous les terroirs, appliquant le grand principe de Bacon « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant ». Et la Nature le lui a bien rendu : il suffit de voir la saisissante beauté de ces forteresses dont il a parsemé la France, (et qui apparaît plus nettement encore aujourd’hui avec les vues aériennes dont, bien sûr, à l’époque nul ne disposait…) ; il n’est que d’admirer les époustouflants paysages de montagne, réellement à couper le souffle, qu’il a su composer dans sa volonté tenace de rester toujours en harmonie avec les données de la géographie…..
Ensuite, non content de respecter la Nature, Vauban a respecté l’Homme, et dans tout ce qu’il a fait il a toujours privilégié l’économie de vies humaines. Saint Simon –qui avait pourtant la dent dure…- disait de lui qu’il était « …le plus avare ménager de la vie des hommes » : beau compliment ! Qu’il s’agisse de défendre une ville (et donc de soutenir un siège) ou d’en attaquer une (et donc de mener un siège, en terme savant, la « poliorcétique ») Vauban a innové, ou amélioré, en le systématisant, tout ce qui pouvait permettre d’écourter un siège, donc d’économiser des vies.
S’agissait-il d’attaquer ? Il codifie la technique d’approche en faisant creuser trois tranchées parallèles très fortifiées reliées entre elles par des tranchées de communications en ligne brisée pour éviter les tirs défensifs en enfilade. S’agissait-il de défendre (ce qui nous intéresse ici, avec ses citadelles) ? Plus rien ne « tient », depuis son invention, face à l’artillerie. Vauban n’a donc pas eu pas l’ambition insensée de construire des forteresses inexpugnables. Il a plutôt cherché à gagner du temps, en obligeant l’assaillant à immobiliser des effectifs dix fois supérieurs à ceux de l’assiégé. Et en le fixant suffisamment longtemps pour qu’une armée de secours vienne le prendre à revers, l’obligeant donc à lever le siège…. L’idée centrale étant de briser l’assaut ennemi en le fragmentant, afin de casser la vague assaillante, donc la rendre moins puissante, et pouvoir la disperser plus rapidement.
Certes, comme l’oeuf de Colomb, c’est facile à dire; mais lui l’a fait. En les améliorant à l’extrême, et en les portant pour ainsi dire à toute la perfection possible, il a ainsi définitivement imposé la fortification « en étoile »; il a systématisé l’abaissement des murs, offrant donc moins de prise à l’artillerie et a ses ravages (les « ouvrages rasants »); et systématisé aussi la protection des soldats derièrre d’épais remblais de terre, destinés justement à arrêter la course des boulets; et surtout il a multiplié les « forts détachés »… Ne disait-on pas, devant tant d’ingéniosité et de rationnalisation, à ce point systématisées: « Ville attaquée par Vauban, ville prise. Villé défendue par Vauban, ville imprenable… » ?
Cette humanité profonde, qui touche à l’Humanisme -comme son respect de la Nature est un respect de la Création, et donc du Créateur…- est un essai vigoureux pour adoucir, autant qu’il était possible, les rigueurs et les atrocités des conflits. Quelle différence avec la barbarie qui devait naître avec la levée en masse révolutionnaire, occasionnant par contre-coup les levées en masse des autres pays, et jetant toute l’Europe, masses contre masses, dans d’épouvantables boucheries !…..
Enfin Vauban c’est aussi et surtout Dieu et le Roi. Quelle noblesse dans cette sorte de profession de foi, lorsqu’il écrit : « …Le Roi me tenant lieu de toutes choses, après Dieu, j’exécuterai toujours avec joie tout ce qu’il lui plaira de m’ordonner, quand je saurai même y devoir perdre la vie. » Il a porté au plus haut point les vertus propres à notre Histoire et à ce vieux peuple, façonné par deux millénaires d’un héritage gréco-romain et chrétien fécond et vivifiant
Louis XIV l’a bien jugé quand, à l’annonce de sa mort, il a sobrement déclaré qu’il avait été un « bon Français », parlant de lui avec beaucoup d’estime et d’amitié : » Je perds un homme fort affectionné à ma personne et à l’État « …..
(1) Les choses ne s’arrêteront peut-être pas là. Jean-Louis Fousseret a évoqué, en conclusion de la soutenance du dossier de candidature, le projet de créer dans sa ville, Besançon, un centre international consacré au patrimoine légué ou inspiré par Vauban. «En effet, on retrouve son influence sur tous les continents … à Québec , mais aussi au Mexique, au Maroc (Essaouira), à Saint-Pétersbourg, à Madagascar ou au Japon (Hokkaido).» En somme, il va devenir urgent de s’intéresser aux enfants de Vauban……
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