En reportage dans le Sultanat d’Oman, à la fin du XXe siècle, Péroncel-Hugoz y rencontra un négociant bourlingueur revenu au pays après avoir commercé de Zanzibar à Kinshasa, de Beyrouth au Pakistan. Ce personnage à la Blaise Cendrars apprit à l’auteur de cette chronique un vieux proverbe arabe…
Au cours de mes périples à travers les continents, je pensai souvent à cet adage arabe que je plaçai même en exergue d’un de mes livres de voyages, « Villes du Sud »*. J’y pensais, encore tout récemment à l’aéroport Mohamed-V, en attendant debout dans les courants d’air, entre les cris d’enfants énervés et les mines exténuées de touristes étrangers du troisième ou quatrième âge… Sur la dizaine de guichets pour le contrôle des passeports, six seulement étaient pourvus de fonctionnaires… Ajoutons que le nouveau mur de publicités devant lequel nous attendîmes plus d’une demi-heure est entièrement rédigé en anglo-américain, alors que les langues majoritairement utilisées, et de loin, dans cet aéroport, sont l’arabe et le français… Passons. Le contrôle enfin franchi, je dus descendre dans un lointain sous-sol (avec escalier roulant en panne…) où tous les sièges étaient déjà occupés.
Quelques minutes avant l’heure d’embarquement, une bouillie verbale, en deux ou trois idiomes, jaillit soudain d’un haut-parleur mal réglé (j’avais constaté les mêmes grésillements, il y a trois mois, et apparemment aucun remède n’avait été apporté entretemps à cette exécrable sonorisation… Passons encore), pour nous prier de gagner une autre porte, à l’opposé de celle où nous étions… Aussitôt galopade affolée des passagers avec nourrissons, bagages à main excédentaires, parapluies, boîtes de gâteaux, etc. (mais que font les agents à l’enregistrement des bagages ?) vers la bonne porte, et ainsi de suite jusqu’à l’affalement dans un fauteuil de l’avion pour enfin se reposer un peu. Mais non, car aussitôt se déclenche la même insupportable musiquette que dans l’aéroport… Et ça, pour moi, ça ne passe pas… Rien de pire qu’une musique non-choisie, imposée, comme dans les supermarchés où les parc-autos souterrains… Bref, à l’américaine !
Je ne caricature pas, ô que non, et les témoignages d’utilisateurs plus fréquents que moi de Mohamed-V m’ont conté des péripéties allant presque toutes dans le mauvais sens. L’éditeur Guillaume Jobin, installé au Maroc où il est marié avec la fameuse styliste salétine Fadila El Gadi, me disait : « Le pire c’est la crasse des toilettes, et en plus, depuis sept ans je subis dans cet aéroport une fouille systématique de mes bagages, sans d’ailleurs qu’on y trouve jamais rien de répréhensible… » Ca, mon cher Jobin, je l’ai connu moi aussi mais à l’aéroport d’Alger sans parler de ceux de Khartoum, Dakar ou Hanoï, autour des années 2000.
Oui, mais ces obscurs aéroports n’ont pas l’ambition affichée, comme Casablanca, de devenir un « hub » international – un «pivot » en bon français, si vous préférez – quand le Maroc aura réussi son légitime pari de recevoir dix puis vingt millions de touristes par an ; lorsque Casa parlera d’égal à égal avec Johannesbourg ou Singapour comme centre d’affaires. Alors il ne faudra pas égarer les bagages de telle ou telle personnalité de haut rang, comme en 2014, à Mohamed-V, les valises du président ivoirien et de la très difficile Madame Ouattara… Quelqu’un me souffle que, sur ce chapitre, l’aéroport de Marrakech ne vaut guère mieux, avec la disparition de la malle d’un invité d’honneur, le célébrissime (en Asie) acteur indien Abhichek Bachham, au Festival du cinéma de 2014… Ca a fait un très médiocre effet, du Sénégal à Bombay ou Calcutta…
Début novembre 2014, Si Najib Boulif, ministre délégué, chargé des Transports a rompu quelques timides lances en faveur de l’aéroport de Casa, y attribuant pagaïe et retards aux surcroît de passagers « durant la période estivale en saison d’Omra (« petit pèlerinage ») et en Ramadan… ». C’est-à-dire, M. le ministre, pratiquement la moitié de l’année ?…
En contrepoint de ce tableau aéronautique, somme toute pas très engageant, relevons quant même que la Royal Air Maroc, donnée il y a peu d’années encore pour moribonde, vole de nouveau de ses propres ailes, si j’ose dire, avec un bénéfice net de 15 millions d’euros en 2013 et des attentes prometteuses pour 2014. Bravo donc au patron de la RAM, tandis que l’ancien responsable en chef de l’aéroport Mohamed-V va, lui, être jugé pour divers graves dysfonctionnements financiers ! … J’ai quand même un petit reproche à formuler envers la RAM ; à deux reprises, en 2014, la feuille informative relative à mon billet électronique, m’invitait à me présenter au terminal 1 alors que l’enregistrement était en fait prévu au terminal 2… Avec la longueur et l’encombrement des couloirs entre les deux terminaux, ce ne fut pas une partie de plaisir, non plus…
Mais « Voyager, c’est vaincre ! », n’est-ce pas ? •
* Villes du Sud, Balland, Paris, 1990, 404 p. avec 50 photos de divers auteurs. Réédition : Payot, coll. « Petite bibliothèque voyageurs », Paris, 1992, 404 p. Nouvelle édition : Éditions Payot et Rivages, coll. « Petite bibliothèque voyageurs », Paris, 2001, 454 p.
Le360 – Péroncel-Hugoz
l’aéroport d’Oran (qui ne s’appelle plus la Senia, mais aéroport international Ahmed ben Bella) que j’ai fréquenté 2 fois par an ces 3 dernières années n’est pas mal non plus, essayez, vous m’en direz des nouvelles
un seul exemple pour illustration : vous venez de passer le guichet de la PAF locale, et cinq mètres plus loin, un officiel vous demande » Passeport »
la liste n’est pas limitative