Ce sont des données et des faits bruts dont Le Figaro (28.07) dresse ici le détail en forme de bilan et c’est, en soi, particulièrement intéressant. Nous le livrons à nos suiveurs. On pourra lire encore l’article, intéressant lui aussi, que Nicolas Gauthier en a tiré pour Boulevard Voltaire : Explosion de l’insécurité : même les bonnes âmes admettent que l’immigration y est un peu pour quelque chose… C’est à dire que sur ce sujet comme sur d’autres, dans l’opinion et chez les faiseurs de l’opinion, ça bouge en ce moment est surtout dans le sens d’une prise de conscience toujours plus aigue de notre situation.
Par Jean-Marc Leclerc
Le Figaro publie en exclusivité le bilan analytique de la délinquance pour les six premiers mois de l’année. Un tableau saisissant, où l’on découvre que le degré de violence dépasse déjà, en ce milieu d’année, le niveau atteint durant la séquence pourtant agitée des «gilets jaunes» au premier semestre 2019. Les atteintes à l’intégrité physique, majoritairement des coups et blessures volontaires, n’ont jamais été aussi nombreuses. Avec plus de 350.000 agressions constatées en six mois, contre 300.000 au premier semestre 2020 et 320.000 sur la même période de 2019.
La hausse par rapport aux six premiers mois de l’an dernier, marqués il est vrai par deux mois de confinement, dépasse + 16 %. Mais si l’on compare à la même période de 2019, nettement plus pertinente, la violence a quand même augmenté de + 10 %. Les agressions de tout type, celles commises sur la voie publique, à l’école ou dans le cadre intrafamilial, avoisinent ainsi en moyenne le rythme effarant de 2000 par jour! Et encore ne s’agit-il que des cas signalés aux parquets.
Pressentant cette évolution, le chef de l’État lui-même en avait esquissé les raisons profondes, dès le printemps, en déclarant dans nos colonnes: «C’est un combat social: la violence s’ancre d’abord dans les quartiers les plus pauvres, parfois délaissés au point que les difficultés économiques et sociales se sont enkystées, elle touche d’abord les plus modestes». Le «droit à une vie paisible» pour lequel il déclare alors se battre réclamera encore bien des efforts pour le ministère de l’Intérieur mais aussi celui de la Justice, plus que jamais pointée du doigt pour sa «mansuétude systémique», selon l’expression d’un cadre du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN), dirigé par David Le Bars.
Dans le «top dix» des départements les plus affectés par le mal, il ne faut pas oublier les cinq départements ultramarins de la Guyane (+ 17 % de hausse des violences par rapport 2019), de la Guadeloupe (+ 10 %), de la Martinique (+ 14 %), de Mayotte (+ 24 %) et de La Réunion (+ 11 %). Des morceaux de France souvent occultés des présentations officielles, mais où le climat évolue aux antipodes des images d’Épinal, sur fond de crises sociales et migratoires, mais aussi d’explosion des trafics de drogue.
Hors outre-mer, classés en fonction du taux d’infractions pour 100.000 habitants, les départements qui s’allument en rouge demeurent la bouillante Seine-Saint-Denis, mais aussi Paris, «même si la capitale, siège des institutions, point de cristallisation des manifestations et lieu de transit pour des millions de personnes, reste un cas à part», estime un haut fonctionnaire de la Préfecture de police. Suivent les Bouches-du-Rhône, le Nord et le Val-de-Marne, qui tous trois affichent un niveau de violence supérieur à ce qu’il était durant la même période en 2019, de + 6 à + 10 %. Idem pour les Alpes-Maritimes (+ 11 %), le Rhône (+ 13 %), le Pas-de-Calais (+ 9 %), les Hauts-de-Seine (+ 5 %), les Pyrénées-Orientales et l’Essonne (+ 13 %), ou encore l’Yonne, qui connaît une augmentation des agressions de + 20 %.
Si l’on affine le portrait, ce sont les zones rurales et périurbaines de la maréchaussée qui accusent les plus fortes hausses d’infractions caractéristiques des violences, avec plus de 110.000 actes répertoriés sur les six premiers mois de 2021, contre 100.000 au premier semestre 2020 et un peu plus de 90.000 deux ans plus tôt. Des augmentations respectives de + 17 % et même + 24 %, soit un quart de faits en plus par rapport au premier semestre 2019! À croire que la France des clochers se met à imiter celle des barres HLM.
Dans le même temps, on relève, toujours en zone gendarmerie, comparé à la séquence hors Covid des six premiers mois de 2019, des évolutions inquiétantes concernant les atteintes volontaires à l’intégrité physique dans la Meuse (+ 61 %), le Calvados (+ 57 %), le Morbihan (+ 52 %), le Maine-et-Loire (+ 51 %), la Saône-et-Loire (+ 48 %) ou encore la Vienne (+ 40 %), le Lot-et-Garonne (+ 38 %) et l’Ille-et-Vilaine (+ 31 %).
Parallèlement, les homicides et tentatives d’homicide, actes de violence suprêmes, connaissent un rebond révélateur du climat de tension croissant: déjà plus de 2200 faits recensés en six mois, zone police et gendarmerie confondues (+ 12 % par rapport à 2019). Les actes suivis d’un décès de la victime ont grimpé, durant ce temps, de + 7 %, avec plus de 600 morts entre le 1er janvier et le 30 juin 2021.
Explosion du nombre d’escroquerie
Les départements ultramarins pulvérisent tous les records, notamment la Guyane (81 tentatives et 19 morts) ou la Guadeloupe (43 tentatives et 23 morts). En six mois, on attente à la vie dans ces zones davantage qu’à Paris (80 tentatives et 8 morts), en Seine-Saint-Denis (72 tentatives et 19 morts) ou dans le secteur de Marseille (62 tentatives et 29 morts). Attention aux Hauts-de-Seine également, où le nombre d’homicides et tentatives semestriels a doublé depuis 2019, passant de 34 à 70.
Même dégradation pour la délinquance sexuelle. «Dans un contexte de libération de la parole et d’amélioration de l’accueil des victimes par les services de police et de gendarmerie, le nombre de violences sexuelles enregistrées augmente fortement», constate le service statistique du ministère de l’Intérieur (SSMI) dans son dernier bulletin trimestriel. Sur le semestre entier, la hausse est plus éloquente: + 29 % par rapport aux six premiers mois de 2019 et + 38 % par rapport à ceux de 2020, avec plus de 45.000 infractions dénoncées depuis janvier, soit plus de 250 par jour. «Rien ne permet d’affirmer qu’il n’y a pas, en plus de la révélation de la zone grise entourant ces actes, une part d’augmentation objective du phénomène», assure un commissaire des quartiers nord de Paris. En province, les départements les plus concernés (en nombre d’infractions pour 100.000 habitants) sont la Guyane, le Morbihan, la Martinique, la Sarthe, les Hautes-Alpes, l’Orne, le Pas-de-Calais, le Calvados, Le Réunion, l’Yonne, le Loiret ou le Nord.
Au final, le tableau est bien sombre. Il est émaillé toutefois de notes d’espoir, s’agissant des atteintes aux biens. Moins de vols d’accessoires automobiles, par exemple, mais aussi moins de vols à main armée ou de destructions et dégradations. Les cambriolages aussi sont moins fréquents: – 10 % et – 27 % respectivement par rapport aux premiers semestres des deux années précédentes. Une attention particulière devra être portée au Vaucluse et aux Bouches-du-Rhône cependant, où les cambriolages ont cru respectivement de + 27 % et + 12 % par rapport à 2020, quand partout ailleurs ou presque ils baissaient.
Une ombre inquiétante plane également sur la statistique, avec l’explosion des escroqueries qui dépassent les 220.000 faits en six mois: + 29 % par rapport au premier semestre de 2020, + 12 % par rapport aux six premiers mois de 2019. Là encore, les autorités sont sérieusement mises au défi, à quelques mois d’une élection présidentielle qui placera, une fois de plus, le thème de la sécurité au cœur de la campagne. ■