C’est la troisième fois que nous publions ici l’une des analyses que Matthieu Bock-Côté – figure de la vie intellectuelle québécoise – donne régulièrement dans Figarovox. C’est que nous nous trouvons de façon très générale en accord de fond avec ses réflexions et avec les conclusions auxquelles elles aboutissent. Dans le cas présent, il pointe dans l’extension indéfinie de la notion de racisme un danger pour la liberté d’expression. Nous partageons son point de vue. Lafautearousseau •
Les attentats du 7 janvier n’ont finalement pas provoqué de grand réveil politique en France. La prise de conscience patriotique s’est vite dissipée, la haine de soi est revenue. On avait déjà remarqué que la lutte contre l’islamisme s’était transformée en lutte contre l’islamisme et l’islamophobie, comme s’il fallait équilibrer les maux à tout prix. L’islamisme a vite été laissé de côté: on a parlé du terrorisme en général, en évitant de le caractériser, pour éviter de stigmatiser. On avait aussi noté que la France s’était finalement reconnue responsable de la haine à son endroit d’une partie de la jeunesse immigrée en se déclarant coupable d’apartheid.
Le dispositif pénitentiel qui pousse à croire bien méritée la haine anti-occidentale fonctionne comme jamais. C’est à cette lumière qu’il faut comprendre l’offensive annoncée du gouvernement de Manuel Valls contre le « racisme.»
L’époque se veut en lutte contre le racisme. On comprend naturellement pourquoi et cette lutte a sa part de légitimité. Mais on sait aussi qu’elle a été depuis un bon moment détournée. N’est-elle pas utilisée avec une légèreté déconcertante pour en finir avec un contradicteur gênant, pour l’expulser des médias, ou encore, pour censurer certaines analyses remettant en question la vision officielle et bucolique du vivre-ensemble multiculturel? L’accusation de racisme servira à marquer publiquement et à disqualifier définitivement un homme politique ou un intellectuel commentant avec trop de franchise les dégâts du multiculturalisme. Elle permettra aussi de reléguer dans les marges de l’espace public les défenseurs de l’identité nationale, toujours suspectés du pire.
On pourrait parler d’une extension du domaine du racisme. Et quiconque jette un œil dans la sociologie antiraciste d’inspiration américaine en verra l’ampleur. Elle repose sur une thèse forte: la structure même des sociétés occidentales, serait raciste, en ce sens qu’elle institutionnaliserait, en les dissimulant sous le masque de l’universalisme, les avantages d’une majorité historique «blanche». La sociologie antiraciste parle alors de racisme universaliste. En France, on dénoncera par exemple les «mensonges» de l’égalité républicaine qui favoriserait de manière systémique les «Français de souche». Inversement, ceux qui distinguent entre les cultures et se demandent lesquelles sont compatibles sur un même territoire, et lesquelles ne le sont peut-être pas, tant elles sont différentes, seront accusés de racisme différentialiste.
La sociologie antiraciste en arrive ainsi à conceptualiser une société raciste sans «racistes». Il suffirait toutefois de participer à sa reproduction pour se rendre coupable de racisme sans le savoir et sans même le vouloir. Celui qui refuse, par exemple, la discrimination positive, sera accusé de s’opposer à un mécanisme visant à corriger les inégalités structurelles causées par le racisme occidental. Celui qui, quant à lui, plaidera pour une réduction significative de l’immigration subira la même accusation: n’entend-il pas maintenir l’hégémonie d’un groupe ethnique majoritaire dans nos sociétés, alors qu’il faudrait plutôt le dépouiller de ses privilèges institutionnels et culturels? À terme, c’est la simple remise en question de la sociologie antiraciste qui sera assimilée au racisme.
Des pans de plus en plus grands de la réalité tombent sous l’accusation de racisme simplement à travers un jeu de définitions de plus en plus agressif.
On aura compris que le racisme n’est aussi qu’à sens unique – il représente un système de domination qui pousse à l’exclusion et à la discrimination contre les minorités issues de l’immigration. Mais les minorités ne pourraient jamais s’en rendre coupable, et on refusera par exemple de prendre au sérieux le rap des banlieues où s’exprime pourtant la véritable haine raciale en France. La situation est presque loufoque. D’un côté, on étend sans cesse la définition du racisme pour continuer à combattre les sociétés occidentales en son nom, alors qu’il ne trouve plus d’échos que dans les marges les plus éloignées de la vie sociale, au point même d’être souvent dénoncé dans les partis qu’on dit «d’extrême-droite». De l’autre, on refusera de voir le racisme lorsqu’il s’exprime crument et brutalement chez certaines franges de la population immigrée. Au pire, il ne serait rien d’autre chez eux qu’un réflexe de défense.
On comprend dès lors la portée de la législation qui s’en vient.
La dissidence devant le multiculturalisme était déjà psychiatrisée à travers la multiplication des phobies dépistées chez ses contradicteurs. Elle sera désormais potentiellement criminalisée. On devine ainsi ce que les associations antiracistes les plus zélés sauront faire de ces nouvelles dispositions juridiques. Ne faudrait-il pas plutôt remettre en question la sociologie antiraciste et plus largement, cette fâcheuse manie qui consiste à accuser les sociétés occidentales d’être historiquement coupables de crimes si abjects à l’endroit de la diversité qu’elles ne pourront les expier qu’en se convertissant au multiculturalisme. Chose certaine, la restriction de la liberté d’expression, ici, sert bien moins la lutte contre le racisme que la diabolisation de ceux qui ne croient pas les sociétés occidentales coupables d’exister. •
* Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu’à la radio de Radio-Canada. Il est l’auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).
Mathieu Bock-Côté FIGAROVOX
S i le pays légal veut lutter contre le racisme, qu’il le fasse en essayant d’être intelligent, se référant à Fernand RAYNAUD ( l’étranger, le boulanger) ou Gérard OURY ( Rabbi Jacob,)
et non en inventant un prétendu racisme. Je rappelle pour mémoire que l’esclavage a été aboli en FRANCE, donc toute personne qui le désire peut rentrez chez elle, en toute liberté
Comme d’M. Bock-Côté est pertinent. et d’ailleurs l’antenne québécoise du « pôle francophonie » du carrefour des Acteurs Sociaux s’y réfère assez souvent dans les débats sur la construction de l’espace francophone mondial comme ce fut le cas lors de la succession d’Abdou Diouf au secrétariat général de l’OIF.
MC
Pour ce qui concerne le boulanger de Valorgues et celui de Raynaud ils étaient tous deux de culture Européenne, culture de la science de la technologie et du travail. Nos politiques mentent en prétendant que les Français et les Européens son racistes. Ils cachent avec une dictature des mots le choc de deux cultures que tout oppose. La civilisation d’Orient qu’il favorisent apporte la pensée unique de la prière et de la soumission de la femme. Notre histoire qui a débutée par une culture matriarcale, en arrive après deux mille ans à admettre l’égalité de la femme et de l’homme. Ce n’est pas du racisme, c’est un arrêt du raisonnement qui nous conduit au choc physique. Si nous devons retourner à la vie tribale, revenons à nos chers Gaulois, ces Celtes constructeurs, que notre république traite de sauvages vivant dans des huttes enfumées.( école de la république). Non les Français, les Européens et les Canadiens ne sont pas racistes, mais ils ne vont pas tarder à refuser de changer de vie, ou bien ils vont partir, comme en Algérie. Pensez vous qu’un roi traiterait ce choc de civilisations à la légère?