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Après la polémique née du décompte d’enfants musulmans par Robert Ménard , la question de l’utilité des statistiques ethniques est relancée. Michèle Tribalat plaide pour le recensement du pays et de la nationalité de naissance des individus et de leurs parents.
Michèle Tribalat est démographe. Son dernier ouvrage, Assimilation. La fin du modèle français, est paru en 2013 aux éditions du Toucan.
La collecte d’informations personnelles est soumise, depuis la loi Informatique et libertés de 1978, à un contrôle exercé par la Cnil. Elle interdisait, dans son article 31, la collecte de données dites sensibles, telles que l’origine raciale, ethnique ou religieuse, mais prévoyait des exceptions: avis favorable de la Cnil et recueil de l’accord exprès des personnes, décret en Conseil d’État après avis de la Cnil pour des données déclarées d’intérêt public. La loi de 2004 énonce le même interdit dans son article 8 mais reconnaît implicitement que la statistique publique concourt à l’intérêt public puisqu’elle la dispense de l’accord exprès. Celle-ci ne doit plus recueillir que l’avis du Cnis (Conseil national de l’information statistique) et de la Cnil (article 8-I-7). La loi de 2004 a également intégré la disposition de la convention 108 du Conseil de l’Europe pour la protection des personnes exigeant que les données recueillies soient «adéquates, pertinentes et non excessives», ce dont la Cnil se fait juge déjà depuis l985. La statistique publique (Insee et directions statistiques des ministères) peut donc, désormais, recueillir plus facilement des données dites sensibles. Cependant, le 15 novembre 2007, le Conseil constitutionnel a interdit le recueil d’informations ethno-raciales (noir, arabe…) qu’il a déclaré contraire à l’article 1er de la Constitution. Il a jugé qu’il fallait se contenter d’informations objectives. Un commentaire du Conseil constitutionnel a néanmoins précisé que les données sur «le ressenti d’appartenance» n’étaient pas visées par cet interdit. La décision du Conseil constitutionnel recoupe les recommandations de la Cnil qui, quelques mois plus tôt, avait renvoyé au législateur, sous contrôle du Conseil constitutionnel, le soin de définir, s’il le souhaitait, un référentiel ethnoracial à l’anglaise ou à l’américaine.
De mon point de vue, l’essentiel de ce que la statistique publique est autorisée à faire suffit largement à construire une connaissance sur les populations immigrées et d’origine étrangère. Les catégories ethnoraciales sont volatiles de même que le «ressenti d’appartenance». Elles ne permettent pas un suivi dans le temps qui ait du sens. Au contraire, le pays et la nationalité de naissance des individus et de leurs parents ne varient pas au fil de la vie. Des données de ce type sont collectées désormais dans la plus part des pays européens qui ont connu une forte immigration. Ils en ont très bien compris l’utilité. Le Royaume-Uni, lui, s’en tient aux données ethnoraciales, dans ses recensements depuis 1991, auxquelles il a ajouté les informations sur l’affiliation religieuse en 2001.
L’Insee n’a pas attendu les recommandations de la Cnil de 2007 pour collecter ce type de données. Le processus a été long mais c’est aujourd’hui un acquis. L’Insee inclut, désormais, dans ses grandes enquêtes annuelles, des questions sur le pays et la nationalité de naissance des parents. C’est le cas des enquêtes Emploi depuis dix ans. Il lui reste à faire deux choses:
1) Trouver un vocabulaire adéquat pour désigner les nouvelles catégories de population qu’il observe. Comme à l’Ined, à l’Insee, on ne sait toujours pas nommer les personnes qui sont nées en France de deux parents nées en France autrement que par un privatif (ni immigré, ni descendant d’immigré) ou par «population majoritaire» (qui ne fait référence qu’à une appréciation numérique) ;
2) Étendre aux enquêtes annuelles de recensement le recueil des informations utiles sur les parents. C’est sans doute l’étape la plus difficile à franchir pour l’Insee qui ne le fera pas tant que les débats sur la question des statistiques ethniques seront aussi venimeux et sans l’approbation ferme et non ambiguë du pouvoir politique. Le recensement est la colonne vertébrale de l’ensemble du système statistique français qui ne dispose pas de registres de population comme de nombreux pays européens. L’Insee craint donc comme le feu toute remise en cause du recensement. La Cnil s’est déclarée favorable au recueil du pays et de la nationalité de naissance des parents «dès lors que toutes précautions méthodologiques auraient été prises pour garantir la protection des données et que l’acceptabilité publique de ces questions aurait été préalablement testée.» Les grosses enquêtes de l’Insee peuvent être considérées comme une série de tests réussis sur l’acceptabilité publique des questions sur le pays et la nationalité de naissance des parents. L’extension aux enquêtes annuelles de ces données serait un moyen de donner un peu de contenu aux discours sur la ségrégation ethnique. La mesure cantonnée aux seuls immigrés est tout à fait insuffisante. En 2011, on comptait 8,7 % d’immigrés, mais 19,2 % de personnes d’origine étrangère sur deux générations. Cette proportion montait même à près de 30 %, dès que l’on incluait la génération suivante, calcul réalisable seulement pour les moins de 60 ans. •
* Michèle Tribalat – FigaroVox
Je crois, en effet, qu’il est très intéressant et d’utilité publique de connaître le nombre exact d’étrangers en France, naturalisés ou pas. il n’est pas question de xénophobie mais il est important de mieux gérer les intégrations dans un pays qui va mal. il ne faut pas se voiler la face, ça fait trop longtemps que cela dure. il est presque déjà trop tard. le pays est au bord de l’implosion.