Par Pierre Builly.
Versailles, la visite, de Gérard Corbiau (1999).
À la merveille.
Le plus beau palais qu’on ait jamais vu sous le ciel, montré par Gérard Corbiau, d’une façon subtile et intelligente ; l’extraordinaire splendeur des lieux, bâtiments, escaliers, salons, bosquets, jardins présentée par un réalisateur qui ne se contente pas de donner au spectateur de belles images, des soleils qui se couchent sur les grands miroirs d’eau et les façades arrogantes, des gros plans sur la merveilleuse élégance des modillons, des revêtements, des galeries, des tableaux, des plafonds peints, des glaces, des meubles, des horloges, des porcelaines, des bibelots. Cette sublime attention aux plus obscurs des détails, à ce que l’on voit et qui éclate, mais aussi à ce qui paraît dissimulé mais que l’artisan qui l’a réalisé tient à honneur d’accomplir dans une forme de perfection.
La belle et bonne idée de Gérard Corbiau, le réalisateur de Farinelli et de Le Roi danse, est donc moins de dévoiler que d’expliquer Versailles et de conter comment cet obscur pavillon de chasse de Louis XIII est devenu le symbole et d’une certaine façon l’incarnation du Pouvoir royal. Tout y est raisonné, tout y est réfléchi, tout y est conçu pour placer l’éclat de la monarchie traditionnelle au devant de la scène et faire ainsi rayonner la gloire de la France. C’est ainsi par exemple que le 25 août, date de la Saint Louis, le soleil se couche exactement dans l’axe majeur de la Galerie des glaces et incendie de ses feux cet espace admirable qui relie le Salon de la Guerre au Salon de la Paix. Notre monde fait mine d’ignorer ou de ne pas comprendre ces marques et ces symboles qui avaient jadis une immense importance et qui étaient perçus et compris par tous.
Si nos Rois ont cherché à rassembler dans ce château de merveilles tout ce qui pouvait être plus beau, plus extraordinaire, plus exceptionnel, c’est moins pour leur propre agrément que pour donner de la France une image lumineuse et parfaite ; si tout, à Versailles, resplendit de beauté, sculptures, horloges, marbres, parures dorées, brocards, plafonds éclatants, tapisseries, médaillons et aussi broderies de jardins, bosquets enchantés, parures d’eau, toutes ces splendeurs se mettant mutuellement en valeur, c’est avant tout pour placer au plus haut la puissance et la gloire de notre pays.
La caméra de Gérard Corbiau s’attarde ici, s’insinue là, monte des escaliers, découvre des lieux intimes, des lieux secrets tout en contant l’histoire mouvementée du château. Sait-on assez que la barbarie révolutionnaire voulait le démolir et laisser à sa place des terres à labourer ? Que l’admirable mobilier fut dispersé à l’encan ? Et voilà pourquoi depuis deux cents ans les conservateurs s’attachent pieusement, grâce au mécénat, à acheter, au fil des successions et des ventes aux enchères, ici un portrait, là une paire de fauteuils ou de flambeaux ou obtiennent que des fortunes privées qui s’emploient utilement restaurent un petit salon ou une pièce discrète ?
Gérard Corbiau le dit dans le supplément du DVD : il y a ici tant et tant à montrer, tant et tant à admirer que la difficulté essentielle réside dans la nécessité de choisir, donc d’éliminer. Je crois connaître assez bien Versailles y compris des endroits qui ne sont pas habituellement ouverts au public ; disons alors que le cinéaste est parvenu à en donner le florilège… ■
Vous pouvez regarder ce film dans JSF (Article suivant).
DVD autour de 15 €
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