Par Antoine de Lacoste.
L’armée américaine plie bagages à grande vitesse en Afghanistan laissant ainsi le champ libre aux talibans qu’elle a combattus pendant vingt ans.
Elle a fait la guerre comme d’habitude, à coups de tapis de bombes tuant plus de civils que d’ennemis, la rendant ainsi, comme on peut l’imaginer, extrêmement populaire.
Son intervention s’était évidemment accompagnée de considérations moralisatrices sur les bienfaits de la démocratie universelle dont elle promettait de faire bénéficier l’Afghanistan qui, bien sûr, n’attendait que cela. La « destinée manifeste » chère aux pères fondateurs américains, est toujours bien présente dans l’esprit des dirigeants de ce pays, qu’ils soient démocrates ou républicains.
Vingt ans et quelques milliers de morts plus tard, retour à la case départ et remise des clés presque officielle aux islamistes sans contrepartie aucune. Cela nous promet quelques joyeux massacres et une nouvelle vague migratoire que les gouvernements européens vont gérer avec la compétence qu’on leur connaît.
Après une expérience aussi consternante, faisant suite à celle de l’Irak (la pire de toutes), on pourrait espérer que l’Amérique cesse de vouloir régenter le monde. C’est trop demander et ce fiasco historique ne doit pas faire illusion. L’Amérique ne renoncera jamais à une intervention extérieure lorsque ses intérêts seront en jeu, et expliquera que c’est pour le bien du pays envahi et de la terre entière. D’autres interventions auront donc inévitablement lieu, soit pour contrer son nouvel ennemi chinois, soit pour contrôler un pays ou une région considérés comme stratégiques.
Il en est ainsi de l’occupation américaine en Syrie. Lors de la lutte contre Daech, quelques milliers de militaires avaient été déployés afin d’encadrer leurs alliés kurdes, en pointe dans la lutte contre les islamistes. Daech vaincu, les militaires américains sont restés, occupant avec les Kurdes l’est et le nord-est de la Syrie. Hasard incroyable, cette région est celle où se situe la majeure partie des gisements de gaz et de pétrole du pays. Ils sont ainsi confisqués au profit des Kurdes dont l’occupation brutale se passe mal, particulièrement dans l’est d’où les Kurdes étaient jusqu’à présent totalement absents. Mais chaque fois que l’armée syrienne a voulu s’approcher en franchissant l’Euphrate (nouvelle frontière américaine !) un tapis de bombes lui a fait comprendre que cette partie de la Syrie appartenait maintenant à quelqu’un d’autre.
Cerise sur le gâteau, les Américains ont construit une base, appelée al-Tanf, au sud de la Syrie, en plein désert, le long de la frontière jordanienne. Cette base est officiellement destinée à surveiller les mouvements entre Iraniens et leurs alliés libanais du Hezbollah. Elle abrite accessoirement d’anciens combattants islamistes anti-Bachar, reconvertis en supplétifs de l’armée américaine. L’aviation russe avait tué plusieurs dizaines d’entre eux il y a quelques semaines, alors qu’ils partaient combattre l’armée syrienne.
Tout ceci bien sûr en toute illégalité, mais quand on s’est attribué comme mission permanente de sauver le monde on ne s’embarrasse pas de détails inutiles.
Et pourtant, ce serait tellement mieux de laisser la Syrie se reconstruire sans sanctions, occupations, bombardements et autres… ■
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