Par Rémi Hugues.
Réflexions, variations, autour du livre de Pierre de Meuse « Idées et doctrines de la Contre-Révolution ». Suite de 21 articles à paraître les jours prochains, sauf le weekend.
Quelle belle explication du concept de la Trinité divine de la part dʼun sataniste[1] ! Pour tenter de le dire autrement, il nous paraît que la proposition suivante est en adéquation avec la raisonnement dudit Aleister Crowley, en vertu du principe de lʼidentité des contraires : « le réel pris comme un tout intelligible est effectivement réel en tant que multiplicité de syzygies, cʼest-à-dire infinité de couples (ou appariements) dont lʼun des deux pôles est le négatif, lʼopposé, de lʼautre »[2].
Laquelle proposition pourrait être mise en perspective avec ces lignes signées Aristote. Dans Les Politiques, il énonce la loi tendancielle selon laquelle « sʼunissent en couple les êtres qui ne peuvent exister lʼun sans lʼautre »[3] Tout part du logos, de la voix, qui exprime soit le douloureux, soit lʼagréable. Le langage manifeste ainsi lʼavantageux et le nuisible, et par suite le juste et lʼinjuste.
Lʼon aurait pu citer aussi Plotin, F. Nietzsche ou Carl G. Jung, mais aussi Grégoire de Nysse, qui sʼest évertué à exprimer la nature du plérôme, mentionnant les syzygies terre / eau, repos / mouvement et ciel / terre :
« Afin quʼil y eût entre les êtres une liaison solide, la nature reçut en elle lʼart et la puissance divine pour conduire toutes choses par deux principes. »[4] Plus loin il poursuit en évoquant lʼexistence dʼune « intime union quʼont entre elles par cet intermédiaire les parties opposées »[5].
Le système binaire qui régit lʼinformatique – ou le digital – nʼest quʼune reprise de cette antique loi philosophique réduisant toute substance à une opposition entre la positivité (le + ou 1) et la négativité (le – ou 0).
Le « plus » et le « moins » comme fondements de lʼordre intelligible, du réel en somme : nʼest-ce pas le point de départ de La notion de politique de Carl Schmitt ?
Expliquant que lʼart est la discrimination entre le beau et le laid, que la science est la discrimination entre le vrai et le faux, que la morale est la discrimination entre le bien et le mal, que lʼéconomie est la discrimination entre lʼutile et le nuisible, il en arrive à soutenir que la politique est la discrimination entre lʼami et lʼennemi.
Toujours un pôle positif face à un pôle négatif, une « bonification » face à une « privation », pour ainsi dire. Ce qui mathématiquement peut se traduire par 1 contre 0, pour poursuivre lʼanalogie avec lʼinformatique et ses données qui ont pour unité de base lʼoctet, cʼest-à-dire une suite de huit unités, ou éléments, quʼils soient positifs ou négatifs. [À suivre demain mercredi] ■
[1] Cʼest lui-même qui le dit, dans la préface de lʼessai précité, page 20.
[2] Rémi Hugues, Mai 68 contre lui-même, Paris, Édilivre, 2018, p. 66-67.
[3] Paris, Flammarion, 2015, p. 105.
[4] Grégoire de Nysse, La création de lʼhomme, Paris, Cerf, 1943, p. 84.
[5] Ibid., p. 85.
* Un viatique pour les années 2020 – [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15]
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