Il fut un temps pas si lointain – le rédacteur de ces lignes l’a vécu – où il était assez mal vu à l’Action française – parfois interdit – de citer Georges Bernanos. C’était la survivance de querelles anciennes que l’on n’avait pas su surmonter. Les choses ont bien changé aujourd’hui. Bernanos est très présent, très commenté, très louangé aujourd’hui à l’A.F. et, bien-sûr, au-delà. Mais en parle-t-on toujours en connaissance de cause ?
Je Suis Français a choisi de remonter aux sources de la relation entre Georges Bernanos, Charles Maurras et l’Action française dans son ensemble, en publiant de larges extraits de l’évocation qu’en donne Henri Massis* dans son Maurras et notre temps. Massis a vécu les événements qu’il relate de très près, il en a été l’un des acteurs, très proche des protagonistes. C’est, à notre sens, une source incontournable pour qui veut savoir et comprendre.
* Henri Massis – Wikipédia
Maurras et Bernanos
Voilà d’abord ce qu’il faut qu’on sache.
Impossible là-dessus de se dérober, de se taire. Certes, le temps n’est pas encore venu de tout dire, mais certaines « explications » me semblent désormais nécessaires, je dirais plus : indispensables sinon, l’on ne peut rien comprendre à l’aventure humaine de Georges Bernanos, et les préjugés qui, aujourd’hui, s’affrontent en sa faveur ou contre lui, risquent de la rendre plus inintelligible encore.
Le silence — qu’on voudrait croire « auguste » — observé de façon « prudentielle » par certains critiques catholiques « de droite » sur tout ce qui touche de près ou de loin aux rapports de Bernanos et de Maurras, un tel silence me paraît injurieux, et pour l’un et pour l’autre : on ne saurait le rompre dans l’équivoque.
Comprendre Bernanos, ce n’est pas uniquement, bien sûr, le situer par rapport à Maurras, mais c’est, incontestablement, faire état de l’immense importance que Maurras a toujours eue pour lui.
Lagor a bien raison de rappeler à ceux qui semblent en éprouver de la gêne, que c’est Bernanos « qui a eu les plus violents cris d’admiration et les plus violents cris de détestation qu’on ait jamais adressés à Charles Maurras, à sa personne, à son oeuvre, à son influence ».
Bernanos y est revenu sans cesse. Aucun Français vivant, sauf Claudel (et nous-même, à notre étage) ne l’a autant occupé : tous les livres de Bernanos, sauf ses romans, sont marqués de ce souci passionné jusqu’à l’obsession.
Son oeuvre «polémique » ne diminuerait-elle pas de moitié si l’on en retranchait tout ce qui, directement ou indirectement, vise Maurras, tout ce qui n’a de signification que par référence à cette hantise de Maurras, qu’il le loue ou le vitupère ? Admiration ou haine, Bernanos n’en a pas eues de plus violentes, de plus tenaces, et cela jusqu’au bout. (À suivre) ■
* Parties précédentes [1] [2] [3] [4] [5]
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Je l’ai déjà dit mais je confirme : cette suite m’intéresse beaucoup. 1. Je trouve assommantes les histoires de curé de Bernanos. Mais j’apprécie de mieux connaître par le témoignage d’un très proche, un grand écrivain français du siècle passé. 2.. L’histoire de l’Action française me passionne. Là je suis servie. On doit connaître le passé du mouvement où on milite. J’essaie de m’y mettre.
« Assomantes ses histoires de curé » ? Mais il faut relire »L’Imposture », roman sur un prêtre qui a perdu la foi et qui révèle sa haine. de la foi et des croyants……. Cela n’a pas vieilli, bien au contraire, il suffit d’observer un peu….Cela a un souffle dostoïevskien , bien que Bernanos s’en défende; ( Son inspiration se veut libre…) .
Je considère le romancier plus passionnant que le polémiste , quoique certaines formules » on ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle eontre toute espèce de vie intérieure. » C’est génial, criant de vérité…. par exemple en ces temps de pandémie, et d’autres.! . ( il y en a d’autres.;) .. Mais là il est porté par le souffle de sa création romanesque, et il arrive à transcender sa fougue de polémiste , qui a quand même quelques scories., Sa radicalilté, qui vient de sa générosité touche là beaucoup de monde, croyants ou incroyants, royalistes ou républicains, français ou étrangers; tout homme qui de bonne foi cherche un sens à sa vie. Qui sait que c’est par ce roman de curé « le journal d’un curé de campagne » qu’il aidé à la radicalisation d’un groupe de e jeunes résistants allemands, par ce roman qu’ils lisaient pieusement à la lueur d’une bougie en 1941 . Où la force de de Bernanos s’est-elle déployée au mieux ? .
Oh ! Henri, vous avez certainement raison. Je n’ai rien d’une spécialiste des romans de Bernanos. Je vais lire « L’Imposture » après ce que vous en avez dit. J’espère bien être détrompée sur les romans de curé de Bernanos.
Je pense aussi, Aurore, qu’Henri a raison. Les. romans de Bernanos sont extrêmement lisibles, même si on n’a pas pour les questions religieuses beaucoup d’intérêt, parce qu’ils parlent tous des forces, bonnes et mauvaises, qui s’entre-battent au dedans de nous. C’est-à-dire de la lutte permanente entre nos forces et nos faiblesses.
Les pamphlets, en revanche, hors de réelles fulgurances, me semblent plutôt fatigants (comme ceux de Léon Bloy) par leurs fulminations perpétuelles.