Par Rémi Hugues.
Réflexions, variations, autour du livre de Pierre de Meuse « Idées et doctrines de la Contre-Révolution ». Suite de 21 articles à paraître les jours prochains, sauf le weekend.
Mais il existe aussi* – et cela nʼest pas présent dans la théorie du politique développée par Carl Schmitt – des processus sociaux de dépolitisation. Ces phénomènes sociaux à propos desquels Alexis de Tocqueville est certainement lʼun des plus éminents spécialistes.
Quelque part dans le tome 4 de De la démocratie en Amérique il développe le propos suivant :
« On ne peut pas dire d’une manière absolue et générale que le plus grand danger de nos jours soit la licence ou la tyrannie, l’anarchie ou le despotisme. L’un et l’autre est également à craindre, et peut sortir aussi aisément d’une seule et même cause qui est l’apathie générale, fruit de l’individualisme ; c’est cette apathie qui fait que le jour où le pouvoir exécutif rassemble quelques forces, il est en état d’opprimer, et que le jour d’après, où un part peut mettre trente hommes en bataille, celui-ci est également en état d’opprimer.
Ni l’un ni l’autre ne pouvant rien fonder de durable, ce qui les fait réussir aisément les empêche de réussir longtemps. Ils s’élèvent parce que rien ne leur résiste, et ils tombent parce que rien ne les soutient. Ce qu’il est important de combattre, c’est donc bien moins l’anarchie ou le despotisme que l’apathie qui peut créer presque indifféremment l’un ou l’autre. »[1]
Lʼapathie est le troisième terme, lʼélément médian se situant entre amitié et hostilité.
Les évolutions des démocraties occidentales que lʼon observe depuis la publication des travaux de Tocqueville valident lʼanalyse tocquevillienne. La hausse tendancielle de lʼabstention serait dʼaprès Françoise Subibeau la manifestation du processus de dépolitisation :
« Aux États-Unis, cʼest dès le début des années 1960 que sʼamorce le déclin de la participation. […] Le Canada connaît une situation analogue. »[2]
En outre, en ce qui concerne notre pays, elle indique quʼ « [i]l est clair, en France, que les progrès de lʼabstention ont été parallèles à lʼeffacement progressif du Parti communiste et à lʼévolution idéologique du Parti socialiste.
Lʼabstention protestataire, fondée sur le ressentiment, est une donnée permanente de la vie politique française. Une partie de lʼélectorat est tentée, de façon constante, de se réfugier dans le retrait à lʼégard du politique. Mais la montée de lʼabstentionnisme depuis le début des années 1980 semble due essentiellement à la désillusion, la constatation désabusée quʼun changement de majorité électorale nʼentraîne aucun changement dans la société politique. »[3]
Enfin, lʼauteur conclut « que les électeurs se détournent de plus en plus du système politique »[4], en témoigne la crise des Gilets jaunes, qui a débuté le 17 novembre 2018.
Il est fort à parier que la sortie du confinement, le 11 mai, va provoquer de graves troubles, qui pourraient amener à la fin de la Vème République. Espérons quʼà sa place lʼidée du retour du Roi sʼimpose auprès du peuple français. [À suivre demain vendredi] ■
[1]https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Alexis_de_Tocqueville_-_De_la_d%C3%A9mocratie_en_Am%C3%A9rique,_Pagnerre,_1848,_tome_4.djvu/363
[2] « Abstention » in Pascal Perrineau et Dominique Reynié, Dictionnaire du vote, Paris, PUF, 2001, p. 1.
[3] Ibid., p. 3.
[4] Ibid., p. 4.
* Un viatique pour les années 2020 – [1][2][3][4][5][6][7][8][9][10][11] [12] [13] [14] [15] [16] [17]
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris
Dans la course au déclin nous espérons que le dclin du système républicain sera plus rapideque celui de la France.
Gémissons, gémissons mais espérons.