Par Radu Portocala.
Nous avons aimé ce bel article admirablement écrit et pensé, paru hier dans Causeur. Les lecteurs de Je Suis Français apprécieront et, s’il y a lieu, comme ils savent si bien le faire, commenteront. Les turbulences de la présidentielle de 2022 n’en sont qu’à leur début.
Le grand tribunal de la presse juge Éric Zemmour coupable de penser autrement. La première séance, présidée par Laurent Ruquier et Léa Salamé, a présenté les éléments constitutifs de la mise en accusation…
Autrefois, le monde communiste, avide d’éliminations, avait inventé une catégorie de coupables aussi vaste que vague : les ennemis de classe. Une fois désignés, l’immense machine à broyer se mettait en marche, les aspirait, les détruisait, stupide et implacable. Mais, pour commencer, il fallait le spectacle : de grandes réunions publiques étaient organisées, messes haineuses durant lesquelles le malheureux était démasqué, offert à la vindicte populaire, promis au prétoire.
C’est à ces sombres fantasmagories qu’a fait penser le passage d’Éric Zemmour dans l’émission de Laurent Ruquier et Léa Salamé. S’attendait-on à un débat ? On a eu droit à la constitution en direct d’un dossier de mise en accusation. À la fois enquêteurs, procureurs et juges, Ruquier et Salamé, hybrides de Fouquier-Tinville et Vychinski (!), se seraient contentés, n’eût été la durée fixe de leur spectacle, d’une seule question : « Comment osez-vous penser ce que vous pensez ? » Et ils auraient bien ajouté, en guise de sentence : « Nuisible, vous ne penserez plus, vous n’écrirez plus, vous ne vous montrerez plus, vous ne parlerez plus ! »
Faire barrage, c’est pas une vie !
Ils sont avec tant d’autres – toute une armée ! – les diseurs du Bien absolu, du Bien radical, les défenseurs du peuple ingénu contre les attaques sournoises, sulfureuses des gens comme Zemmour. Ils sont la presse-juge, la presse-filtre, la presse-censure, investie d’une mission de purification de la pensée publique. Ils luttent contre le nauséabond, contre le rance. Ils passent leurs vies à « faire barrage ». Triste, petit destin.
Qu’ils aient invité Éric Zemmour uniquement pour lui signifier son inculpation, c’est une chose dont il n’y a aucune raison de douter. Mais, en acceptant de s’y rendre, Éric Zemmour pensait-il à un possible gain de cause ? Pensait-il qu’il allait pouvoir transpercer la toile déjà tissée autour de lui ? Convaincre quelques-uns des adeptes du couple d’accusateurs publics ? Ils se sont bien gardés de le laisser faire. Poser la question qui incrimine et ne pas laisser l’inculpé répondre – c’est une vieille technique, utilisée dans tant de salles d’interrogatoire et, ce qui revient parfois au même, sur tant de plateaux de télévision. « Ici, vous n’êtes pas sur CNews », avertit Ruquier, voulant sans doute dire : « Ici, vous parlez quand et si nous vous le permettons. »
Ruquier n’était pas au courant, en disant cela, du fait que, sur injonction du CSA, qui l’a qualifié d’« acteur du débat politique national », CNews était sur le point de fermer son antenne à Éric Zemmour. La création d’une chaîne YouTube a déjà été annoncée – mais nul ne sait combien de temps Google, propriétaire du site, tolérera son existence.
Déguiser la vulgaire censure en bonne action
Ce déchaînement est-il dû à l’éventuelle participation d’Éric Zemmour à l’élection présidentielle ? Cela a commencé il y a trop longtemps pour qu’on puisse l’expliquer ainsi. Depuis trop longtemps Éric Zemmour a des idées qu’il ne faut pas avoir – et, encore moins, exprimer en public –, des idées qui offensent la bienséance progressiste, des idées qu’il faut éradiquer. Cependant, ce n’est pas Zemmour lui-même qui gêne. Si ses livres se vendaient à 200 exemplaires, si ses émissions étaient regardées par 3 000 spectateurs, nul ne se donnerait la peine de lui couper la parole. Mais il a une audience, et elle grandit. Ce sont ceux qui l’écoutent qui gênent et ceux qui, en l’écoutant, disent : « Il a raison ». Ce sont eux qu’il faut renvoyer dans le vide de l’obéissance bien-pensante. Et, en fin de compte, c’est sur eux que le couple Ruquier-Salamé a voulu faire glisser l’ombre de la potence.
Il ne s’agit pas d’un combat d’idées, puisqu’il n’y en a pas dans le camp d’en face. Nous n’assistons qu’à une tentative, avec ses tortillements pudibonds, de déguiser la vulgaire censure en bonne action.
Et si Éric Zemmour, que le cirque politique et médiatique s’acharne bêtement de transformer en martyr, décidait de se présenter à la prochaine élection, qu’aurait-il en face de lui ?Une société française qui étouffe sous le poids de certitudes inculquées et qui n’écoute plus avant de contredire. Une société dont la culture s’évanouit et où les dogmes ont remplacé les idées. Une société fermée. Zemmour pourrait-il convaincre ceux qui ne partagent pas ses idées, ceux que le progressisme des politiciens et des journalistes a intoxiqués depuis bien longtemps ? Rien n’est moins sûr.
Nous vivons dans un monde où se faire haïr pour ses idées et évincer à cause d’elles est une paradoxale victoire. Zemmour l’a emportée, et plus haut s’élèvera le mur que ses juges construisent autour de lui, plus belle elle sera. Telle est la stupidité de la censure. ■
écrivain et journaliste français, né en 1951 en Roumanie, pays dont il fut exilé par le pouvoir communiste en 1977.
Face à ses inquisiteurs, Zemmour est bien placé pour se réconforter avec des citations de Woody Allen;
-J’ai des questions à toutes vos réponses.
-J’aimerais terminer sur un message d’espoir. Je n’en ai pas. En échange, est-ce que deux messages de désespoir vous iraient ?
-L’avenir est la seule chose qui m’intéresse, car je compte bien y passer les prochaines années.
-La réponse est oui. Mais quelle était la question ?
-En résumé, j’aimerais avoir un message un peu positif à vous transmettre. Je n’en ai pas… Est-ce que deux messages négatifs, ça vous irait ?
-C’est vrai, je fais plutôt réac’, mais c’est pour la gauche bien entendu.
-Rien de ce qu’il est bon de savoir ne peut être compris avec l’esprit.
Ce matin, dans son « briefing », le New-York Times titre sur le succès de CNews, la qualifiant, sommairement, d’extrême-droite (je ne vois pas d’autre traduction pour « far-right »). Selon ce journal, cette chaîne aurait émergé dans le sillage des Gilets Jaunes et elle propagerait de façon disproportionnée les idées du RN. Elle serait comparable à Fox News
Il est probable que l’édition complète apporte quelques nuances à ces qualificatifs péremptoires. Mais le procédé est clair : formater le lecteur avant même sa lecture, lui épargner même la corvée d’une lecture. Notre Le Monde fait souvent ainsi dans ses manchettes. Et ils seraient deux des plus prestigieux journaux ! Juste après la défunte mais bien nommée « Pravda » (la vérité elle-même).
Nous vivons une période très grave parce qu’elle semble être la dernière chance de pouvoir encore laisser exprimer une opposition. Toutes idées contraires à la bien pensance est automatiquement étiquetée « extrême » avec l’anathème consécutif aux références hitlériennes et on condamne en interprétant sans écouter. C’est la porte ouverte à la dictature.
Votre Pseudo Cincinnatus n’est-il pas un référence aux 2 dictatures exercées pour sauver Rome en 458 et 439 avant JC. Il ya des dictatures bénéfiques, comme celle exercée par Joffre au dernier trimestre de 1914 où il sauva la France de l’invasion pendant que le Gouvernement incapable se réfugiait à Bordeaux ( déjà). N’y a-t-il pas un cycle permanent ? Monarchie ( fondatrice), République suivie de Dictature… puis tout repart pour un tour…,