Par Camille Pascal*
Camille Pascal montre ici avec le talent et le goût qu’on lui connaît, en quoi la France est un pays merveilleux non seulement à cause de la permanence de son administration qui passe les siècles et les régimes mais aussi par l’accumulation et la profusion toujours renouvelée de ses trésors ainsi protégés des aléas du goût et du pouvoir. On aura sans-doute compris que notre souci, ici, n’est politique que pour servir et prolonger cette civilisation française dont nous sommes les héritiers. Laquelle est aujourd’hui aux mains d’un Pouvoir qui, à bien des égards, volens nolens, conduit à sa disparition. Raison de plus pour suivre le conseil implicite de Camille Pascal et visiter l’exposition qu’il évoque ici avec une évidente délectation. LFAR
Le Mobilier national expose les savoir-faire de ses ateliers de restauration, jusqu’à la reconstitution parfaite du « bivouac de Napoléon ».
Le Garde-Meuble, ou Mobilier national comme l’on voudra, est une très vieille institution née sous Henri IV et qui a survécu à tous les régimes, même les moins conservateurs… Depuis très exactement quatre cent onze ans, une même administration — la France est un pays merveilleux — gère donc avec soin le patrimoine “mobilier” de l’État.
Cette maison, somptueusement logée place de la Concorde par le roi Louis XV, est aujourd’hui abritée aux Gobelins dans des bâtiments futuristes conçus en 1936 par les frères Perret. Siècle après siècle, elle est devenue le grenier de la France où chaque époque a déposé ce qui ne lui plaisait plus pour passer commande de nouveautés ébouriffantes. Parfois, les révolutions ont fait un peu d’argent avec ce merveilleux bric-à-brac. Le mobilier de Versailles a été vendu à l’encan, le château des Tuileries a été pillé quatre fois en moins d’un siècle et Jules Ferry fit démonter et disperser les bijoux de la Couronne, mais l’administration du Garde-Meuble, elle, a sauvé ce qui pouvait l’être. Longtemps le Mobilier national, comme tous les greniers de bonnes maisons, est resté protégé des aléas du goût et du pouvoir par une épaisse couche de poussière, il s’est un peu endormi et les Français l’ont oublié.
Il y a quelques années de cela, grâce à la restauration de la grande galerie, l’institution chargée de meubler palais nationaux, ministères et ambassades a entrouvert ses portes. La caverne d’Ali Baba s’est révélée au public. Ce fut un éblouissement. Tapisseries des Gobelins ou d’Aubusson, pendules de bronze doré, meubles de laque et d’ébénisterie, soies précieuses, cristaux fragiles, tapis de la Savonnerie, tout était là savamment étiqueté et bien rangé pour s’offrir aux regards des visiteurs assez peu habitués à voir ces trésors dans leur emballage.
Aujourd’hui, le Mobilier national fait mieux : il offre à chacun de nous, dans le cadre d’une exposition temporaire, la possibilité d’aller à la rencontre de tous les métiers qui permettent l’entretien et la restauration du grand mobilier français depuis les beaux sièges du XVIIIe siècle jusqu’aux créations très contemporaines de Pierre Paulin ou d’Olivier Mourgue. Des mains aux mouvements parfaits reproduisent ainsi devant vous des gestes qui sont autant d’oeuvres d’art vivantes.
Pour preuve de leur savoir-faire, ces artisans d’État exposent “le bivouac de Napoléon” entièrement restauré par leurs soins et meublé comme au soir de la bataille de Marengo. Les fauteuils de voyage sont ouverts devant une table de travail démontable. Le lit pliant de l’Empereur a été installé. Il est fait et n’attend plus que le “petit tondu”. On apprend d’ailleurs au passage que c’est pour lui qu’un serrurier de génie a inventé le fameux lit parapluie sur lequel des générations de parents se seront, depuis, énervées jusqu’aux larmes avant de pouvoir coucher leur bébé.
Au moment où j’allais quitter cette exposition, un soldat de la garde impériale, shako en tête et fusil à l’épaule, venait monter la garde. Le grenier de la France est hanté par l’histoire. •
Le Garde-Meuble, Paris, du 18 septembre au 13 décembre 2015
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