L’analyse de Natacha Polony
Natacha Polony revient sur l’affaire « Onfray » et le durcissement du débat entre ceux qui défendent la construction européenne et ceux qui sont favorables à une restauration des souverainetés nationales. Mais le triomphe des premiers n’est plus assuré. Il y a aujourd’hui toute une pléiade d’intellectuels qui n’acceptent plus volontiers le formatage de la pensée dominante. Qui, à leur tour, la mettent en accusation, la contestent, la réduisent à la défensive. Avec l’assentiment de larges pans de l’opinion. Reste la question de savoir si le sentiment populaire profond, instinctif, vital, peut être réellement souverain dans un Système passé maître dans l’art et la manière d’organiser son conditionnement. Reste l’incomplétude d’une telle démocratie. Telle que Macron l’a signalée. Et reste enfin, selon nous, à se demander si la souveraineté du peuple n’a pas pour condition incontournable, au moins en France, l’existence d’un souverain de chair et d’os qui en soit l’incarnation et qui, dans toute sa profondeur historique, la garantisse. Cela, pour nous, s’appelle un roi. Nous excusera-t-on de poser la question ? LFAR
Le crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou de quelques autres intellectuels cloués au pilori porte un nom : le souverainisme.
Pourquoi tant de violence ? C’est ce que se demande sans doute l’observateur des médias, le lecteur de journaux, devant la tempête qui agite la France intellectuelle ou, plutôt, devant les éruptions de patrons de presse et de journalistes clouant au pilori des intellectuels français coupables, au choix, de « déraper », de « faire le jeu du FN » ou carrément de se rapprocher dudit parti. La une de Libération a lancé le bal, suivie par celle du Monde. Mais il a fallu quelques jours pour qu’apparaissent sous la plume des grands censeurs les raisons profondes de leur détestation. Le mot, désormais, se promène d’éditorial en tribune libre, comme un nouvel acte d’accusation. Il obsède Laurent Joffrin, mais il incarnait déjà depuis quelque temps le mal absolu dans les envolées d’un Franz-Olivier Giesbert. Oui, le crime de Michel Onfray, de Jacques Sapir ou de quelques autres porte un nom : souverainisme.
Le mot a longtemps désigné des groupuscules idéologiques, les perdants de l’Histoire, ceux que l’adoption du traité de Maastricht avait condamnés à la marginalisation politique. Car la promesse allait s’accomplir. Avec Maastricht, la paix en Europe, la croissance et le plein emploi, le progrès s’imposant partout, et jusque dans ce monde post-communiste rejoignant dans l’euphorie le camp de la liberté. Et puis il y a eu 2005. La victoire inattendue d’un « non » dont on n’a pu étouffer la voix qu’en expliquant qu’il avait douteusement mêlé « non de gauche » et « d’extrême droite », qu’il était finalement xénophobe, rance, nauséabond, réactionnaire, populiste (autant de mots dont on a voulu nous habituer à croire qu’ils étaient synonymes). Et tout à coup ces derniers jours, les tenants du meilleur des mondes européens, qu’ils soient libéraux-sociaux ou sociaux-libéraux, s’aperçoivent que les mouvements de plaques tectoniques du monde intellectuel, qui voit tomber dans le camp du Mal de plus en plus de penseurs pourtant classés à gauche, s’expliquent par la résurgence de l’idéologie honnie, le souverainisme, ou plutôt par l’échec de leur propre modèle, construit en opposition.
Donc, le souverainisme conduit sur les rives du Front national. Qu’on soit éditorialiste à France Inter ou à L’Obs, au Point ou à Médiapart, cela semble une évidence. Sans que jamais il ne soit nécessaire de définir les termes du débat. Dans le cas du souverainisme, il est pourtant intéressant de revenir aux mots. Celui de souveraineté, par exemple, qui constitue le pilier de la démocratie et de la République. Le peuple, nous disent les pères de la République française, doit être son propre souverain, c’est-à-dire maître de son destin. Ce qui implique une souveraineté individuelle et collective. Souveraineté des individus, suffisamment instruits pour pouvoir former leur jugement sans dépendre d’autrui – d’où la position cruciale de l’école dans l’édifice républicain – et souveraineté de la nation qui mène librement la politique voulue par le peuple comme assemblée de citoyens.
Voilà donc ce qui leur fait si peur! Le peuple souverain ! Alors, on ergote sur ce qu’est le peuple, on laisse entendre, crime atroce, qu’il pourrait être entendu dans une acception identitaire, xénophobe, en effaçant opportunément toute l’histoire politique et intellectuelle française qui fait du peuple une entité politique et non pas ethnique. On brandit le danger du nationalisme pour mieux diaboliser l’idée de nation, là encore, un concept, dans la tradition française, purement politique (il serait presque étonnant de lui voir préférer celui de « patrie », étymologiquement la « terre de nos pères »).
L’idée que le peuple doit avoir consenti tout abandon de souveraineté en échange d’une protection (par exemple, la préférence communautaire qui devait prévaloir à l’origine contre l’ouverture à tous les vents de la mondialisation) scandalise visiblement ceux qui, sous couvert d’expertise et de gouvernance, ont réinventé l’oligarchie censitaire. Les mêmes, d’ailleurs, qui ont, des années durant, orchestré la destruction de l’école et interdit aux futurs citoyens tout espoir d’émancipation intellectuelle. On se souvient qu’en 2005, ils nous expliquaient qu’un référendum était inutile car le texte était trop complexe pour être compris des électeurs… Bientôt, ils nous expliqueront que le peuple est trop faible d’esprit pour voter.
Tenter avec acharnement de renvoyer le souverainisme, notamment de gauche, vers le Front national, relève du réflexe de survie : face à un système qui s’effondre, qui détruit l’industrie, désormais l’agriculture, et finalement les savoir-faire français, un système qui dévalorise le travail et détruit le pacte moral entre les citoyens et la République et le lien qui les unit à la France, qui crée du malheur et désormais de la violence, il n’y a plus que cela : brûler quelques sorcières pour éviter d’entendre les foules qui grondent. •
Natacha Polony – Le Figaro
Toujours interessante Natacha….Mais se trompe parfois (souvent?) Ici l’essentiel est bien vu,avec une conclusion trés juste.Mais une grave erreur : la vision du monde des européistes ne s’est pas « construite en opposition » au souverainisme.Il s’agit d’une prolongation naturelle de l’utopie fondamentale de l’universalisme des « Lumières ».
Et ce projet « social » d’harmonie universelle dont le modèle est la fourmilière n’est en rien antagoniste de la mondialisation economique,consumériste et hypocritement élitiste dont les européistes ont adopté la version US,précisément la plus hypocrite,avançant sous les couleurs du Droit,du Bien et du moralisme étroit du protestantisme.La « tentation de la fourmilière »s’exprimant de façon exemplaire dans la thèse chère a Pierre Bergé: »les ouvriers louent leur travail,pourquoi les femmes ne loueraient-elles pas leur ventre? »
Tout est dit dans cette phrase sur la division du monde en deux camps inconciliables…..
De bien grands mots pour dire plus simplement que la cinquième république faite par et pour le général est dépassée. Elle est devenue une oligarchie, c’est à dire une gouvernance appliquée par des familles de hauts bourgeois nantis qui ne veulent pas partager le trésor. Le peuple, disons les peuples d’en bas payent des impôts, savent ils ou vont leurs contributions. La majorité refuse les Métropoles, les grands bourgeois nous les imposent, tout comme la guerre, l’afflue de population, les signes extérieurs d ‘une religion étrangère. Les Français sont persuadés qu’ils ont le pouvoir par les urnes, faut depuis la révolution non terminée. Un roi répondrait certainement au caractère des gens de France, il aurait l’avantage d’être au dessus des partis.