Pour le journaliste économique, auteur de La Fin de la mondialisation (éd. Fayard), l’Europe est démunie face à la conjonction des crises économique, migratoire et terroriste [Entretien Figarovox du 16.03]. Où en sommes-nous donc pour qu’une personnalité aussi avisée, médiatisée, professionnellement liée au politiquement correct, tienne de tels propos, se livre aux analyses qu’on va lire ? C’est nous semble-t-il que si « le vent souffle où il veut », comme il a été rappelé hier, joliment, dans nos commentaires, il ne souffle plus désormais sur le monde dans le sens qui était annoncé. Finkielkraut l’a dit : « nous vivons la fin de la fin de l’Histoire », cette utopie vulgarisée par Francis Fukuyama, japonais américanisé, il y a un quart de siècle. L’Histoire est évidemment de retour (n’étant jamais partie) et le monde actuel bouillonne de conflits et de tragédies. Sans-doute sommes-nous aussi entrés dans un processus de fin de la mondialisation – selon la thèse de Lenglet soi-même. Enfin, le mouvement de dislocation de l’UE, ici décrit par François Lenglet, est déjà en marche, ce qui n’est pas nécessairement, peut-être au contraire, une cause supplémentaire d’affaiblissement de l’Europe réelle. Deux réactions seulement au propos lucide de François Lenglet : la première est que nous ne voyons pas en quoi le Brexit changerait grand chose aux rapports utiles pouvant exister déjà entre France et Grande Bretagne : pour elle, dedans ou dehors est à peu près du pareil au même… La seconde tient à l’optimisme – à notre sens imprudent – de François Lenglet quant au renouvellement paisible de l’Allemagne ou Germania, par l’immigration. Nous verrons bien si ce renouvellement sera ou non paisible. De premiers signes apparaissent qui démentent cette hypothèse selon nous hasardeuse et même contraire aux enseignements de l’Histoire. Sinon … accord assez général avec les présentes analyses de François Lenglet. Là aussi : signe des temps ! Lafautearousseau
Pour soutenir la croissance en berne de l’Europe, la Banque centrale européenne (BCE) vient d’abaisser le taux principal à 0%, s’attirant ainsi les foudres de Berlin. L’Europe n’est-elle pas déjà beaucoup endettée ?
Ces politiques monétaires non conventionnelles sont des palliatifs. Elles ont permis de différer l’explication finale, c’est à dire le défaut de paiement quasi généralisé dans la zone euro et l’explosion de l’union monétaire. Mais elles n’ont rien réglé. Les dettes continuent de s’accumuler, alors que le pouvoir de la BCE s’affaiblit – c’est comme l’héroïne, il faut augmenter les doses à chaque fois. Et il est possible qu’on le fasse jusqu’à l’overdose, c’est-à-dire la crise de confiance à l’égard de l’euro, non pas venant des marchés financiers, mais des acteurs de l’économie réelle, qui chercheront à s’en débarrasser. Le risque est donc plus élevé que jamais, même si les marchés financiers ne le perçoivent pas. Pour prolonger l’action de la BCE, des voix éminentes nous enjoignent de « réformer » le marché du travail des pays membres. Mais c’est complètement illusoire de penser que la flexibilité ramène mécaniquement la croissance. Elle ne fait qu’augmenter la réactivité de l’emploi à la conjoncture, à la hausse comme à la baisse. Si la conjoncture reste hostile, il n’y aura pas de miracle avec les réformes du marché du travail.
Il y a pourtant des pays qui recréent de l’emploi massivement, l’Espagne par exemple.
Oui, l’Espagne a créé plus d’un million d’emplois, mais elle en avait détruit quatre pendant la crise. La France, sur la même période, en a détruit 700 000 seulement, alors que l’économie française est deux fois plus importante que celle de l’Espagne ! Même après une bonne année 2015, l’Espagne reste loin de son niveau d’emploi et de PIB d’avant la crise. Le seul exemple de reprise réussie en zone euro est l’Irlande, qui a fait près de 8 % de croissance en 2015. Mais c’est un pays tourné massivement vers l’export, et il a consenti des sacrifices inouïs, comme la baisse du salaire d’embauche des jeunes de 30 %. Sans compter sa politique fiscale non coopérative, qui siphonne les investissements du continent. De ce point de vue, l’Irlande est un flibustier.
Le redressement économique de la Grèce est-il sur la bonne voie ?
Non. La Grèce entame sa neuvième année de récession consécutive. Jamais un pays n’a connu une telle punition, sinon lors de guerres ou d’épidémies. Le pays s’enfonce dans la nuit, sans aucune perspective de redressement. Il va bientôt quémander un nouveau plan d’aide et l’annulation de ses engagements, comme tous les dix-huit mois. Son « sauvetage » aura coûté plusieurs centaines de milliards d’euros, en pure perte. Le pays est exactement dans le même cas de figure que l’Afrique francophone d’il y a vingt ans, plombée par un franc CFA qui était bien trop fort pour elle, et à qui l’on demandait des plans d’ajustement structurels stupides et inopérants. Il faut évidemment que la Grèce sorte de l’euro, qu’elle dévalue et qu’elle convertisse sa dette en drachme, ce qui permettra de l’amoindrir, tout en restant dans l’Europe. Il faudrait rétablir une sorte de SME, qui permettrait à la BCE de stabiliser le cours de la nouvelle drachme face à l’euro et d’éviter la panique. Faute de cela, le pays va se vider de ses ressources qualifiées, et devenir un parc d’attractions estival pour les Allemands, soutenu à grands frais. C’est triste.
La sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne sera-t-elle le coup de grâce porté au continent ?
Pas forcément. Il y a deux scénarios. Le mauvais, c’est que l’Angleterre nous laisse dans un tête-à-tête avec l’Allemagne, alors que la France décroche au plan économique par rapport à son voisin. Nous avions fait l’union monétaire pour ceinturer la puissance allemande, et elle l’a au contraire consacrée… Par ailleurs, nous perdrions beaucoup au départ de Londres. La France et le Royaume-Uni ont fait leur révolution au même moment, industrielle pour les Anglais, politique pour les Français, deux événements jumeaux, au tournant du XVIIIe siècle, qui ont forgé les outils de l’essor de l’Occident. Ils se pensent dans le monde de la même façon, comme deux anciens empires. Enfin, par-delà l’agacement réciproque, Paris et Londres sont des partenaires militaires et stratégiques naturels l’un pour l’autre. Comme l’a dit récemment Manuel Valls, les deux pays ont toujours été côte à côte lors des désastres sanglants du XXe siècle. Ce n’est pas rien.
Et l’autre scénario ?
Ce serait le bon : que la sortie du Royaume-Uni conduise les autres membres à s’interroger sur cette Europe en crise : est-ce que cela vaut toujours le coup ? À quelles conditions ? Et que voulons nous faire désormais ensemble ? L’ère de la bonne volonté européenne automatique est révolue. C’est la France qui va avoir le plus de mal à cette révolution mentale, car si elle n’a plus la perspective européenne comme futur, elle redevient une puissance moyenne sur le déclin. Alors que l’Allemagne a au moins une stratégie de remplacement, avec la consolidation de son hinterland, à l’est, en plein essor. Elle peut devenir le centre d’une « Germania » industrielle, tout à la fois pacifique et puissante, renouvelée progressivement par l’immigration.
La survie de l’Europe passe-t-elle par un système à deux vitesses, avec un noyau dur (mené par le couple franco-allemand) et des satellites ?
Le statu quo est en effet difficilement envisageable. Parce que la construction européenne est un navire de beau temps, qui a été conçu et fabriqué pour naviguer dans une période de calme tout à fait inhabituel, la fin du siècle dernier. Il n’est pas armé pour les intempéries actuelles, comme la simultanéité des crises économique, migratoire, terroriste… La meilleure preuve, c’est que l’on est revenu en quelques semaines seulement sur la libre circulation des personnes, avec le rétablissement des frontières nationales. Tout comme sur celle des capitaux, en Grèce et à Chypre. Alors, y a-t-il une stratégie de substitution à l’Europe actuelle qui soit collective ? C’est ce que vous appelez l’Europe à deux vitesses. Ce serait le retour à l’Europe des Six, ou celle des Douze. Ce serait souhaitable, mais ce n’est pas le plus probable. La tentation va être forte d’en revenir aux frontières nationales. •
Entretien par Marie-Laetitia Bonavita
« la France voit son chômage…….. »
Moi, je ne suis pas surpris, ayant déclaré depuis des années, que la France avait largement « bénéficié » des 30 Glorieuses……. mais ne s’en était pas relevée. Et , d’ailleurs, pourquoi s’en relèverait-elle ?
Le problème N*1, c’est donc le Boulot !
Le travail ? ça se crée……encore faut-il SE LE GARDER ! Ce n’est peut-être pas votre rôle, mais c’est votre devoir de le dire :
Bien sûr qq.(s) français sont cossards……..Mais, si on recherchait, vraiment, les causes du chômage…… car, pour ma part, une de ces causes n’est jamais abordée !
Si N raisons sont avancées – et sont apparemment valables ( bien que causes et conséquences soient souvent permutées) – pour expliquer la situation actuelle de la France, rien n’est dit sur le fait que nos Universités et Grandes Ecoles n’ « enseignent » pas sur la nécessité de se garder (égoïstement, diraient certains) ce que l’on découvre, ce que l’on invente……. et qui sera le socle de notre future activité.
Nous n’avons plus de reconnaissance pour nos ainés, pour nos parents, pour nos instits., pour nos profs., pour ceux qui ont essayé de nous transmettre qq. chose…..(.et qui, en général, ne nous demandent rien en retour).
Nos jeunes s’expatrient ! Bravo ! Vive la Mondialisation ! Ils ne devront alors plus rien………. à la France.
Résultat : Nos scientifiques et nos ingénieurs déposent deux à trois fois moins de demandes de brevet d’invention que nos amis allemands. Et mon vieux Larousse ne présente t’il pas, en couverture, une jeune et jolie femme soufflant, à tous vents, sur une fleur de pissenlit montée à graines…..voilà la France !
Depuis des (sss) années, j’envoie aussi une « diatribe » plus ciblée, plus étoffée………que j’aimerais vous adresser………!.
N’attendons rien des autres ! Nous devons agir…… par nous, pour nous !
J’apprécierais votre réaction et vous en remercierais
Respectueusement votre
Pierre Guimbretière