Par Frédéric Rouvillois.
Cette tribune de Frédéric Rouvillois a naturellement retenu notre attention. Dans l’affrontement en cours entre l’U.E. et la Pologne, se profile en même temps une menace d’atteinte à notre propre souveraineté, celle de la France, comme celle des autres nations européennes. Nous sommes évidemment solidaires des peuples et des États qui luttent pour leur indépendance face à la nouvelle offensive fédéraliste de la commission de Bruxelles. L’analyse juridique de Frédéric Rouvillois contribue utilement à ce combat. (FigaroVox, 24 octobre).
TRIBUNE – Voilà la Pologne dans la ligne de mire de Bruxelles. S’agissant de la France, le principe de primauté absolue du droit européen, rejeté lors du référendum de 2005, a été consacré de façon sournoise à l’occasion du traité de Lisbonne adopté par le Parlement en 2008. Est-ce loyal envers les Français?, s’interroge Frédéric Rouvillois, professeur des universités.
Aux yeux de ceux que l’on appelait autrefois les Français moyens, la primauté du droit européen n’est qu’une question juridique aride et obscure, de celles que l’on abandonne sans regrets aux spécialistes ou aux futurs candidats à l’élection présidentielle. Il s’agit pourtant d’un point politique capital: en novembre 1988, c’est précisément la contestation de ce principe, celui de la primauté du droit soviétique, formulée par la République fédérale d’Estonie dans une retentissante « déclaration de souveraineté », qui sonna le glas de l’URSS et finit par entraîner sa chute.
Sans doute n’en sommes-nous pas là: mais les récentes prises de position du président Macron, en écho à la jurisprudence du tribunal constitutionnel polonais et aux déclarations devant le Parlement européen du premier ministre Morawiecki, n’en suscitent pas moins une certaine perplexité.
Pour Emmanuel Macron, partisan inconditionnel d’une «souveraineté européenne» appelée selon lui à se substituer à celle des États membres, la primauté du droit de l’Union européenne est une évidence indiscutable et non négociable. Et de fait, c’est bien de souveraineté dont il s’agit ici: le principe de primauté signifiant tout simplement que la totalité du droit européen (aussi bien le droit dit «primaire», qui figure dans les traités signés par les États membres, que le droit dit «dérivé», produit par les institutions issues de ces traités) prévaut sur la totalité du droit interne des États, Constitution comprise (celle-ci incluant en outre les libertés et les droits fondamentaux).
Les choses paraissent simples, également, lorsque, le 18 octobre dernier, le président Macron rappelle que «l’Europe, c’est nous qui l’avons faite et qui l’avons choisie. C’est nous qui l’avons construite. Tous les textes auxquels nous sommes soumis, nous les avons bâtis dans nos discussions, puis signés, puis ratifiés souverainement». Tout simplement? Sauf qu’il suffit de gratter un peu pour s’apercevoir de la supercherie. Pour constater que cette primauté, qu’il présente comme le résultat d’un choix conscient et d’une décision souveraine, fut en réalité introduite subrepticement, presque clandestinement, puis maintenue quasi frauduleusement.
S’il y a bien une certitude, en effet, c’est que le principe de primauté, dont on nous répète sans cesse qu’il est au fondement du droit européen, ne figure pas dans les traités de Rome de 1957, au point de départ de la construction européenne. Si tel avait été le cas, il est d’ailleurs certain que le général de Gaulle, qui revient au pouvoir l’année suivante, en juin 1958, les aurait dénoncés sur-le-champ. Le fondateur de la V République était trop jaloux de la souveraineté nationale pour admettre passivement un tel tour de passe-passe. En revanche, il était trop distant à l’égard du «juridisme», et avait trop de chats à fouetter, pour prêter attention à un arrêt rendu à la mi-juillet 1964 par la Cour de justice des communautés européennes, la décision Costa c/ ENEL, qui affirme pour la première fois, de façon implicite et biaisée, le principe de primauté du droit communautaire sur les «textes internes».
Six ans plus tard, le 17 décembre 1970, la Cour de justice réaffirme le principe en déclarant, cette fois, la supériorité globale des règles communautaires, y compris sur les droits fondamentaux inscrits dans les Constitutions des États membres. Mais là encore, à part la poignée de spécialistes qui a pris la peine de décortiquer l’arrêt Internationale Handelsgesellschaft, personne ne s’en rend compte. Bref, cette Europe-là, n’en déplaise au président, ce n’est pas «nous qui l’avons faite», discutée, construite et ratifiée souverainement: ce sont des juges européens, en catimini ; des juges dont l’intervention, reconnaît le président Macron, a «précédé» «la construction politique de l’Union européenne».
En somme, il s’agit d’une importation frauduleuse: ou en tout cas, contraire à la volonté originelle des États signataires des traités, et d’ailleurs durablement refusée, en France, par les plus hautes juridictions, du moins sur le point essentiel de la subordination de la Constitution au droit européen. Pour tenter de régulariser cette importation, il faut attendre le traité de 2004 sur la Constitution européenne, dont l’article 6 proclame enfin, fièrement, le principe de la primauté absolue du droit de l’Union. Malheureusement, c’est sans doute en bonne partie à cause de cela que les Français vont massivement rejeter le traité par le référendum du 29 mai 2005.
Pourtant, on le sait, ce désaveu démocratique n’empêchera pas de réintroduire le principe, en douce, dans le traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. Cette fois, en revanche, on prendra bien garde de ne pas le placer en vedette – il est discrètement relégué dans une «déclaration n° 17» figurant en annexe au traité -, et surtout, de ne pas consulter directement les Français: c’est aux parlementaires que l’on posera la question, à des gens qui savent, et ceux-ci adopteront à une écrasante majorité un principe refusé deux ans plus tôt par près de 55 % des Français.
Voilà donc comment, à travers le «dialogue des juges au niveau européen» célébré par le président Macron, le principe de primauté a pu s’imposer comme le fondement mythique de l’Union européenne – et donc, de l’État de droit et de la démocratie, etc.
Ce qui, du coup, autorise la Commission à menacer la Pologne de lui couper les vivres, au cas où elle aurait le mauvais goût d’obéir à la décision de ses propres juges constitutionnels. Et de considérer, comme les Français la dernière fois qu’on a osé leur poser la question, que les normes technocratiques européennes ne se situent pas au-dessus des Constitutions nationales. ■
Délégué général de la Fondation du Pont-Neuf (think-tank) et auteur de nombreux ouvrages remarqués, Frédéric Rouvillois a notamment publié Histoire de la politesse de la Révolution à nos jours (Flammarion, 2006), Histoire du snobisme (Flammarion, 2008), L’Invention du progrès, 1680-1730. Aux origines de la pensée totalitaire (Éditions du CNRS, 2011) et Liquidation. Emmanuel Macron et le saint-simonisme. (Éditions du Cerf, 2020). Pour s’informer de ses travaux et publications, suivre le lien ci-dessous.
Frédéric Rouvillois
Il est fort heureux pour nous qu’il y ait des pays comme la Pologne et la Hongrie qui refusent de ramper devant l’idéologie européenne qui veut asservir les peuples et leur imposer les idéologies les plus mortifères ou pathologiques. On a entendu les cris d’orfraie les oligarques européens quand la Hongrie a refusé de voir diffuser sur son sol l’idéologie des sodomites et des bougresses qui constitue un des pans de la religion progressiste. Qui sont ces juges constitutionnels sortis d’on ne sait où et qui prétendent imposer leurs fantaisies aux pauples et nations européens ? En fait, on le sait: comme le faisait remarquer l’Eurpean Center for Law and Justice, qui examine de près les agissements de ces droitsdelhommistes :
« En février 2020, l’ECLJ publiait un rapport qui fit le tour du monde sur Les ONG et les juges de la CEDH révélant qu’au moins 22 des 100 derniers juges de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sont d’anciens collaborateurs de sept fondations et ONG, et qu’ils ont jugé à de très nombreuses reprises des affaires soutenues par leurs propres organisation, en situation flagrante de conflits d’intérêts. Parmi ces organisations, l’Open Society de George Soros se distingue par le fait que douze de ses collaborateurs sont devenus juges à Strasbourg, et qu’elle finance les six autres ONG mises en cause, parfois très largement. La présence massive de juges issus d’un même réseau témoigne de l’emprise de grandes fondations et ONG privées sur le système européen de protection des droits de l’homme et met en cause son impartialité. »
Eh oui, toujours les mêmes et en particulier Soros, ce prédateur de la finance, ennemi des peuples historiques, incarnation de l’oligarchie cosmopolite qui veut la mort des nations.