Par Gabrielle Cluzel.
C’est un entretien présenté comme « entretien choc » – en tout cas particulièrement intéressant – que Boulevard Voltaire a publié le 15 octobre dernier. Nous le reprenons aujourd’hui pour mettre en lumière les inquiétudes d’une autre Allemagne que celle d’Angela Merkel évoquée dans l’éditorial de Louis-Joseph Delanglade d’aujourd’hui. Il s’en faut que Thilo Sarrazin, grand banquier central, ex-membre du SPD (dont il a été exclu) soit comparable à Éric Zemmour. Lisez toutefois son entretien réalisé par la toujours excellente Gabriele Cluzel et vous jugerez de l’accord de fond – au moins sur un point, mais capital – entre ce que pense Thilo Sarrazin et les analyses bien connues d’ Éric Zemmour.
C’est un entretien choc que publie, aujourd’hui, Boulevard Voltaire. Alors qu’Angela Merkel quitte le pouvoir en Allemagne et que la France se lance dans une campagne présidentielle décisive pour son avenir, Thilo Sarrazin éclaire de son expérience et de ses analyses l’un des enjeux majeur de l’avenir : la question de l’immigration. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, essentiellement économiques, mais ce grand serviteur de l’État jette une bombe dans le paysage administratif allemand lorsqu’il publie, en 2010, L’Allemagne disparaît (littéralement L’Allemagne s’autodétruit). Le livre s’est, à ce jour, vendu à plus de deux millions d’exemplaires, provoquant d’innombrables débats en Allemagne et ailleurs. L’impact de ce livre tient beaucoup à la personnalité de son auteur. Après une longue carrière au ministère des Finances fédéral, ce diplômé en économie de l’université de Bonn, docteur en droit et en science politique, est nommé secrétaire d’État au ministère des Finances de Rhénanie-Palatinat. De à sénateur en charge des finances à Berlin. Adhérent au SPD (parti social-démocrate) dès le début des années 1970, il en est exclu en 2020. Aujourd’hui âgé de 76 ans, Thilo Sarrazin porte un regard acéré sur les enjeux des sociétés allemande et française confrontées à des vagues migratoires inédites dans leur Histoire.
Thilo Sarrazin, vous êtes l’ancien ministre des Finances du Land de Berlin, membre du directoire de la Bundesbank et social-démocrate. Vous avez publié, en juillet dernier, un nouvel essai intitulé Wir schaffen das!, (« Nous y arriverons ! », par référence à la déclaration d’Angela Merkel, le 31 aout 2015, au sujet de l’ouverture des frontières allemandes aux migrants). Vous y dénoncez ce que vous appelez « un vœu pieux ». Qu’entendez-vous par là ?
Thilo Sarrazin. La phrase « Nous y arriverons ! » de Merkel était un appel politique qui n’avait pas de fondement objectif. Le peuple allemand a ainsi été tenu politiquement et matériellement responsable de cette décision d’ouvrir les frontières, décision que la chancelière a prise de manière unilatérale. Aujourd’hui, Angela Merkel se retire et les conséquences financières, démographiques et culturelles de sa décision pèseront sur les Allemands pendant de nombreuses décennies, voire des siècles : le taux de criminalité et de violence impliquant les immigrés depuis 2015 est trois fois plus élevé que celui du reste de la population allemande. Leur niveau d’éducation est peu élevé, voire inexistant. 80 % n’ont pas d’emploi et vivent des aides sociales qu’ils reçoivent. Le coût annuel de ces allocations s’élève à 50 milliards d’euros. En outre, la population immigrée ne cesse de croître, en raison du regroupement familial et des taux de natalité élevés qu’elle génère.
Votre livre L’Allemagne disparaît, paru en 2010, s’est vendu à plus de 1,5 million d’exemplaires. Vous y tiriez la sonnette d’alarme face à une immigration massive, la montée de l’islam radical et une démographie en berne (1,54 enfant par femme en 2019, contre 1,87 en France). Cet ouvrage vous a, d’ailleurs, valu votre exclusion du SPD. Son succès montre que les Allemands ne sont pas indifférents à la question. Et pourtant, la question migratoire a été totalement absente des débats lors des dernières élections… Comment l’expliquez-vous ?
T. S. La raison de mon exclusion du SPD en 2020 est liée à la publication, en 2018, de mon livre Feindliche Übernahme, un ouvrage dans lequel je dressais une critique générale de l’islam : le SPD ne s’est pas donné la peine de me reprocher d’éventuels propos mensongers ou de quelconques déclarations offensantes. Il lui suffisait que le sujet du livre et sa ligne de pensée soient considérés comme politiquement incorrects pour justifier mon éviction du parti. Pour ce qui est de la question migratoire, il faut constater que le taux de natalité, en Allemagne, est de plus en plus déterminé par le grand nombre d’enfants nés d’immigrants. Quant aux enfants nés en Allemagne, plus de 40 % d’entre eux sont issus de l’immigration.
Les médias (en particulier la télévision publique) et tous les partis politiques (à l’exception de l’AfD) ont complètement occulté les questions de politique migratoire tout au long de la campagne électorale des élections de septembre dernier. Ils ont préféré focaliser sur le changement climatique qui semble représenter, pour eux, la plus grande menace pour notre avenir. Mais comme la population allemande, si la tendance que je décris se poursuit, s’éteindra de toute façon dans les 100 prochaines années, le changement climatique, quelle que soit la façon dont on l’évalue, ne constitue plus aujourd’hui une menace pour l’avenir, du moins pour les Allemands.
À Cologne, une des plus grandes villes d’Allemagne, les autorités municipales ont décidé d’autoriser la diffusion de l’appel à la prière musulmane. Cette mesure vous a-t-elle étonné ?
T. S. Dans le dernier chapitre de L’Allemagne disparaît, j’ai esquissé la tournure que va prendre la situation lors des cent prochaines années : j’y ai décrit clairement l’adaptation opportuniste des politiques à cette situation que nous vivons actuellement. L’exemple de l’autorisation d’appel à la prière du vendredi à Cologne illustre cela parfaitement. À cet égard, la décision des autorités municipales de Cologne ne me surprend pas du tout. Cela correspond à l’image que je me fais de l’évolution des choses à venir à ce sujet. En France, je trouve que Michel Houellebecq envoie le même message dans son livre Soumission.
En France, on vous appelle parfois le « Zemmour allemand ». Le connaissez-vous ? Suivez-vous la campagne pour la présidentielle en France ?
T. S. De tels parallèles sont toujours difficiles à établir. Éric Zemmour et moi nous ressemblons sur un point : nous avons tous deux la capacité d’appliquer les lois des mathématiques (par le biais des statistiques, par exemple) à des questions de vie pratique : si les Français, comme les Allemands, voient leur population diminuer en raison de leur faible taux de natalité et que les immigrés, essentiellement issus de la sphère culturelle islamique, continuent d’affluer et ont des taux de natalité nettement plus élevés, c’est parce que le « Grand Remplacement » a bel et bien commencé. En France, comme en Allemagne, il progresse à grands pas chaque année : objectivement, on ne peut que le constater à travers les statistiques des décès, des naissances et des nouvelles arrivées de migrants.
Ceux qui ne peuvent pas nier ces faits évidents, mais ne veulent pas non plus les admettre, ont souvent recours à l’insulte et à la diffamation à l’encontre de ceux qui mettent en garde contre les conséquences qui en résultent. C’est pourquoi on critique Zemmour en France et moi-même en Allemagne. Je suis avec grand intérêt la campagne de l’élection présidentielle en France. Les questions d’immigration et de préservation de la culture nationale y semblent être prises plus au sérieux qu’en Allemagne. Je considère cela comme positif. ■
Etant donné la démographie déclinante de l’Allemagne le patronat allemand comme le français a besoin de main d’oeuvre nouvelle taillable et corvéable à merci pour peser à la baisse sur les salaires et la protection sociale.
Ah oui, le patronat? Il est vrai que la présidente du MEDEF disait qu’il fallait avant tout faire des profits sur l’immigration. Eh bien quand les patrons agissent d’une façon opposée au salut national, il est nécessaire de les convaincre qu’ils ont intérêt à penser différemment. Il existe toute une gamme d’arguments que l’on peut utiliser pour cela.