PAR PHILIPPE MESNARD
CHRONIQUE. La défense de l’environnement devra faire partie des prérogatives régaliennes du roi à venir, soutient le rédacteur en chef de l’AF2000.
En mai 1346, Philippe VI de Valois édicte l’ordonnance de Brunoy, réglementant les prérogatives des Maîtres des Eaux et Forêts, créés cinquante ans avant par Philippe le Bel. La forêt, surexploitée, pillée, est une ressource en danger, un bien commun en train de disparaître. Quelques années auparavant, en 1340, la marine royale avait été anéantie lors de la bataille de l’Écluse et les bois nécessaires à sa reconstitution menaçaient de faire défaut. Le roi de France légifère et invente le développement durable, sustainable, comme disent les Anglo-Saxons : l’ordonnance de Brunoy précise en effet que « les maîtres des eaux et forêts enquerront et visiteront toutes les forez et bois et feront les ventes qui y sont, en regard de ce que lesdites forez et bois se puissent perpétuellement soustenir en bon estat ».
L’ennemi est déjà le droit d’usage et l’abus qu’en font les usagers, les bergers détruisant le taillis cependant que potiers et verriers anéantissent les futaies. Le combat sera incessant, de Philippe Le Bel à Louis XVI. Inutile de dire comment s’est terminée la guerre déclarée entre un pouvoir soucieux de préserver un bien commun au nom de son utilité commune, des usagers avides de profiter d’un bien gratuit et des propriétaires jaloux d’une privatisation grandissante des ressources et de l’espace publics. Le citoyen ne possède qu’un droit d’usage restreint de ce qu’il croit être sa propriété mais qui n’est plus qu’un ensemble de contraintes ; l’État définit les biens communs, puis en délègue la gestion en en abandonnant pratiquement la propriété ; les entreprises ont gagné une extension formidable et indue de leur propriété.
Ainsi, l’eau, la terre, les bois, les paysages sont perpétuellement arrachés au commun pour être versé dans le privé : l’entreprise devient le gardien du bien de tous, et sous prétexte des responsabilités dont on la charge, on la laisse frustrer la communauté de sa jouissance inorganisée. On a vu les prodigieux et bénéfiques résultats de cette politique, menée dès le )(vine siècle : l’air est empuanti, les rivières sont polluées, les forêts sont interdites, cueillir une fleur est un délit, la mer est une poubelle, les ordures abondent, l’alimentation est un poison et tout est prétexte à menues rançons.
Le progrès technique a asservi la nature par le biais de l’État démocratique en la vendant aux investisseurs au détriment du peuple.
Un royaume est charnel, et il n’est pas fait que d’hommes. Le roi à venir doit régner sur un royaume qui ne sera pas une mosaïque mesquine de droits individuels et accapareurs. Le roi à venir doit désormais considérer qu’il est de son devoir d’ajouter aux fonctions régaliennes la défense de l’environnement. Cet arbitrage environnemental a le mérite de considérer toute l’action économique au prisme de son bien réel, immédiat et différé, en bornant la propriété privée à son juste usage et en bornant le collectif au service réellement rendu, sans rien confisquer sous prétexte de sauvegarder. Assurer la sécurité ne peut se résumer à garantir au consommateur qu’il pourra toujours acheter ; rendre la justice, c’est d’abord rétablir une nature à laquelle tous ont accès ; la souveraineté territoriale ne doit pas s’exercer sur un territoire malade. C’est le temps qui a défait, c’est la durée monarchiste qui pourra, une fois de plus, restaurer. •
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