Cette tribune d’Éric Zemmour est parue dans Le Figaro d’hier. Nous disons en titre ce que nous en pensons s’agissant du fond politique et social qui sous-tend les propositions avancées. Sur leur détail, sur chacune d’elles, on peut discuter. Il n’en demeure pas moins qu’une politique économique refondée sur la famille, l’héritage et la nation est notre programme de toujours. Elle l’est dès avant la naissance du mouvement maurrassien, elle le restera avec son éclosion, elle devrait continuer aujourd’hui de guider notre réflexion. Sur le détail le lecteur jugera, opinera, commentera. Bonne lecture !
« La nation est aussi une famille. Nous devons combattre le processus de désaffiliation qui corrompt notre sentiment d’appartenance. »
Il y a quelques semaines, j’ai rencontré deux entrepreneurs du monde rural. Le premier se désolait: «Il y avait quinze fleurons chez nous. Les pères sont partis. Aucune de ces entreprises n’est restée dans le patrimoine de la commune. Elles ont été rachetées et les centres de décisions sont à l’étranger.» Le second ajoutait: «Ici, les gens ne se connaissent plus. Tout bouge. Beaucoup de choses ont été délocalisées.»
Aujourd’hui, on enseigne dans toutes les écoles de commerce la sacro-sainte mobilité. L’idée de demeurer sédentaire, de prolonger une lignée, l’idée du temps long, dans l’économie comme dans la vie, ces idées-là sont reçues par la doxa contemporaine comme des signes de sclérose.
Il faut retrouver une France du patrimoine, de la propriété et de la transmission.
Longtemps, le capitalisme français fut constitué de petites et moyennes entreprises dynamiques mais qui tenaient difficilement le choc face aux grands groupes germaniques ou américains. Sous la férule clairvoyante de Georges Pompidou, l’État a soutenu l’édification de géants capables de tenir leur rang dans la compétition mondiale. Cet élan fut le fruit du travail detous les Français.
Mais, avec la mondialisation, les grands groupes ont délocalisé le travail et internationalisé le capital. Après avoir fait le succès des grandes, l’État doit désormais se mettre au service des petites et moyennes entreprises. Ainsi, la France disposera à son tour de ce tissu de PME qui fait la puissance économique des Allemands comme des Italiens.
Il faut retrouver notre tradition de capitalisme familial, qui protège le savoir-faire et les réussites acquis de génération en génération. Désormais, il y a très peu de transmissions d’entreprises entre les générations en France, par comparaison avec nos voisins européens: 25 % contre 51 % en Allemagne, 64% en Pologne, 75% en Autriche et 80 % en Italie.
Ce sujet est d’autant plus essentiel que l’immense majorité des emplois en France sont créés par des petites et moyennes entreprises, et que près de 20 % des dirigeants de petites et moyennes entreprises françaises sont âgés de plus de 60 ans.
La question est vitale: qu’attendons-nous pour remettre en cause nos droits de transmission, parmi les plus élevés au monde? L’Italie a, par exemple, mis en place un dispositif fiscal compétitif pour les transmissions d’entreprises, avec une exonération totale de droits jusqu’à 1 million d’euros et un taux d’imposition de seulement 4 % au-delà. Quel contraste avec le taux marginal français, qui peut atteindre les 45 % !
Alors, que faire, lorsque vous héritez d’une entreprise de vos parents, afin d’être en mesure de régler les sommes dues à l’administration fiscale? Revendre l’entreprise à un groupe étranger ou bien distribuer la trésorerie pour payer les droits de succession, au risque de la fragiliser? Comment accepter que toute une vie de travail soit ainsi sacrifiée?
Certes, le «pacte Dutreil» permet en principe d’exonérer de droits les donations et successions, à hauteur de 75 % de la valeur des titres des entreprises transmises. Toutefois, ce dispositif est trop complexe et soumis à trop de conditions. Il interdit les mouvements de rapprochement, pourtant essentiels pour faire émerger des entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui créent des emplois et exportent. Nous avons trois fois moins d’ETI en France qu’en Allemagne (5400 contre 13.000).
Je propose donc d’exonérer purement et simplement de droits de donationet de succession les transmissions d’entreprises familiales entre générations. L’objectif de cette mesure est de pérenniser et de conserver en France les entreprises familiales. Ainsi, continueront-elles d’innover et de créer de l’emploi en France.
Transmettre son entreprise en ayant l’assurance qu’elle pourra devenir plus prospère qu’elle ne l’était, c’est aussi en faire profiter ses enfants de son vivant. Et, ce qui n’est pas négligeable, l’entrepreneur mettra d’autant plus d’énergie dans l’extension de son entreprise qu’il saura que ses enfants la perpétueront: le dynamisme entrepreneurial sera mécaniquement accru.
La fiscalité française concentre le patrimoine chez les personnes les plus âgées, qui voudraient transmettre de leur vivant mais sont dissuadées par notre fiscalité. Les inciter à transmettre une partie du patrimoine à leurs descendants de leur vivant aura pour effet secondaire de permettre à des générations plus jeunes d’investir et de consommer.
Un parent peut actuellement donner à son enfant une somme exonérée de droits jusqu’à 100.000 euros tous les 15 ans, tandis que les donations d’un grand-parent à son petit-enfant sont exonérées de droits à hauteur de 31.865 euros seulement.
Afin d’inciter à la transmission tout au long de la vie, je propose donc qu’un parent puisse donner à son enfant une somme d’argent exonérée de droits jusqu’à 200.000 euros tous les 10 ans. Le régime applicable aux grands-parents en matière de donation sera également aligné sur celui des parents.
La nation est aussi une famille. Nous devons combattre le processus de désaffiliation qui corrompt notre sentiment d’appartenance. Je crois aux vertus de l’héritage, de l’enracinement et du patrimoine, qui, seules, hier comme aujourd’hui, ouvriront la voie à notre prospérité retrouvée. ■
Éric Zemmour
Zemmour ne dit absolument rien sur la toute puissance du capitalisme financier qui impose à tout pouvoir sa loi d’airain. Ce dernier est à l’opposé de tout ce que défend Zemmour. Ne pas en parler c’est s’y soumettre implicitement.
Je partage largement le raisonnement d’Eric Zemmour.
Sous le présidence de Pompidou, la France, remise préalablement sur la voie de l’ambition économique et de sa fierté nationale retrouvée d’une manière générale par le président de Gaulle, a progressé comme jamais depuis des décennies dans son développement industriel, commercial et ses infrastructures publiques et privées (construction des autoroutes, du boulevard périphérique à Paris, etc.).
Avec l’élection de Giscard en 1974, l’élan s’est poursuivi mais en ralentissant. Trop technocrate et, pour faire moderne, vantant les mérites du socialisme mais ce faisant, allant contre la sensibilité de son électorat penchant plus largement à droite, Giscard a en fait préparé l’arrivée en 1981 de Mitterrand et du socialisme dogmatique et rétrograde (nationalisations multiples, impôt sur les grandes fortunes, hausse massive des salaires du public, augmentation ou invention de toutes sortes de taxes, démagogie sociale outrancière, rhétorique anti-patron et anticapitaliste, chasse aux sorcières contre tous les supposés tenants du régime précédent que ce soit sur le plan politique, intellectuel, journalistique ou économique (en quelque sorte une forme de nouvelle révolution aux accents de celle de 1789).
Zemmour a raison de dater le début de la décadence française à 1981.
Depuis cette date, la France n’a cessé de se laisser aller à la décadence tranquille à force de démagogie et de flatterie pour l’indolence, de compréhension infantilisante pour toutes les difficultés de la vie, sauf lors de quelque rares moments de sursauts vite remis en cause lors d’une élection suivante.
A quand le renouveau? Sans cocoricos ridicules, ni hystérie nationaliste, ni autosatisfaction gratuite et infondée mais de façon calme persévérante et aussi juste que possible, sans fausse honte, en suivant un cap permettant aux citoyens et individus de s’accomplir librement dans les activités qui les motivent et font la richesse et l’honneur du pays simplement et sans gloriole (le goût de la gloriole, un de nos pires défauts qui nous font honte et nous ridiculisent souvent hors de nos frontières). Au fond, c’est finalement ce que l’héritier de la tradition capétienne millénaire de la France, le Comte de Paris, nous offre à voir dans ses interventions et écrits rares mais bien pesés et sans emphase. Les grandes ambitions sont affaires de décennies, de siècles même et non d’élections tous les cinq ans avec des programmes faussement mirifiques mais jamais vraiment réalisés malgré les promesses des candidats qui de toutes façons se contredisent mutuellement.
Zemmour a raison de dater le début de la décadence française à 1981,mais redresser avec 2800 milliards d euros de dette ????
Que la gouvernance de Pompidou comme premier ministre puis président ait correspondu à un ére de prospérité est indéniable, que Pompidou lui même ait été d’une grande culture l’est aussi, mais tout n’est pas aussi positif qu’il n’y parait. Je noterai l’admission du Royaume uni dans le CEE qui était déjà le ver dans le fruit et à laquelle De Gaulle s’opposait farouchement, la réforme fiscalo-commerciale ( payement à 90 jours fin de mois ) qui permit l’essort extraordinaire des supermarchés et la modification sociologique du pays ( fin du petit commerce de proximité, désertification des centre-villes, d’où l’insécurité, asphyxie des producteurs au profit de la grande distribution), la réforme du statut de la Banque de France ( la fameuse loi Pompidou Giscard Rotschild de 1973 qui fait que la dernière année où l’Hexagone présentait un budget excédentaire remonte à 1974, soit un an après que cette loi fut passée… Depuis lors, la France est déficitaire, depuis maintenant 45 ans.) , et en matière agricole, la poursuite du plan Rueff Armand de 1957 et les ministéres de Pisani et Chirac qui ont ruiné notre agriculture et vidé nos campagnes ( Lire: « l’Agriculture assassinée » de J C Davesnes). Comme l’impôt sur les portes et fenêtres du loi du 4 frimaire an VII ( 24 novembre 1798) favorisa l’essort de la tuberculose durant le 19 ème siècle ( merci la Révolution qui supprima aussi le droit de gréve et celui de s’associer durant un siècle) , certaines options de Pompidou, 47 ans après, nous pénalisent.