Intéressant article de Jean-Pierre Stroobants, dans Le Monde du 19 novembre, à propos du départ forcé de la ministre néerlandaise de l’intégration.
On y apprend qu’Ella Vogelaar, ministre travaillliste du logement, des quartiers et de l’intégration a été « brutalement remerciée, le jeudi 13 novembre, par Wouter Bos, vice-premier ministre, ministre des finances et leader de son parti, qui lui reprochait notamment des propos sur la société multiculturelle et la nécessité d’une approche » douce » de questions qui perturbent les Pays-Bas depuis le début de la décennie.
M. Bos estime, lui, que seule une approche » réaliste » des problèmes liés à l’immigration permettra à son parti, lourdement sanctionné par les électeurs en 2006, de remonter la pente. »
Il faut dire que Mme Vogelaar est allé très loin dans la voie de la « compréhension »( ?!) vis-à-vis des immigrés, adoptant un ton et une politique qui s’apparente plus à une capitulation en rase campagne qu’à de la compréhension. Elle avait commencé ainsi par estimer « concevable » ( !) le port du voile intégral par les musulmanes. « Elle avait ensuite –nous dit J-P Stroobants- mis au point un vaste plan de rénovation d’une quarantaine de quartiers » difficiles » après une large concertation mais sans se soucier, selon son parti, des possibilités de financer cette opération chiffrée à des centaines de millions d’euros ». Elle a continué en affirmant que les Pays-Bas deviendraient, » à terme « , un Etat doté d’une tradition s’inspirant à la fois du christianisme, du judaïsme et de l’islam. Bref, elle avait défrayé la chronique au point que Geert Wilders, auteur du film anti-islam Fitna et leader du populiste Parti pour la liberté (PVV) avait, à l’époque, décrit Mme Vogelaar comme » folle à lier « .
L’un des principaux résultats de cette attitude fut, en réalité, de renforcer le courant populiste, qui a recruté massivement dans l’électorat de la gauche traditionnelle.
« La rupture définitive entre M. Bos et la ministre – nous dit toujours J-P Stroobants – est cependant intervenue la semaine dernière seulement. Mme Vogelaar, prenant le contre-pied des positions défendues par son groupe parlementaire, s’est dite opposée à la création d’un fichier spécial reprenant des données au sujet des jeunes Néerlandais d’origine antillaise. Ceux-ci sont surreprésentés dans les statistiques concernant la délinquance. »
A la suite de cette accumulation incroyable de faux-pas et de capitulations , Ella Vogelaar a été « démissionnée », mais n’a pas reconnu ses erreurs pour autant : sa réaction à son éviction ? Elle a déploré que les autorités n’offrent pas suffisamment de » perspectives « aux immigrés (les pauvres !… ); et elle a reproché à son parti de n’avoir toujours pas de » ligne claire « depuis l’assassinat de Pim Fortuyn, en 2002. On se souvient que celui-ci avait notamment affirmé que les Pays-Bas étaient » pleins « et que l’islam était une culture » arriérée « .
« …Ce qui avait assuré un triomphe électoral à sa formation « , ajoute Jean-Pierre Stroobants…
Les problèmes bien réels liés à l’immigration, que recontrent la plupart des pays européens, traduisent avant tout les situations d’échecs découlant d’une assimilation ratée.
La conséquence de ce ratage étant la « tolérance » comme substitut. Or aujourd’hui, les groupes veulent de la « reconnaissance » et ne supportent plus d’être assignés à résidence dans un Etat qui se contenterait de les « tolérer ».
Quatre siècles après l’Edit de Nantes, c’est peut-être à la France qu’l revient de montrer la voie.
Je voudrais rajouter que prendre acte de la différence d’une minorité ne signifie pas que celle-ci doit s’imposer à la majorité. Ainsi peut-on admettre l’homosexualité comme mode de vie d’une minorité sans se priver de rappeler que l’hétérosexualité reste la norme de toute espèce vivante, humaine inclue, soucieuse de se reproduire.
Accepter le port du voile, de la kippa, ou de la croix à l’école, ne contraint pas ceux qui ne partagent pas les prescriptions de ces religions à adopter le même comportement.
La conception républicaine de la laïcité, qui est une négation radicale de toute affirmation culturelle ou religieuse doit céder la pas à une conception pluraliste de cette laïcité, pour autant que celle-ci ne prétende pas régenter l’espace public à elle toute seule.
Mais, la situation dans laquelle nous sommes (qu’on le déplore ou non), suppose de réfléchir d’ore et déjà, à une redistribution de la souveraineté, pour faire face aux défis d’une société aux frontières de plus en plus iimprécises.
Je suis assez d’accord avec la formulation du 2ème commentaire de Sebasto.
Il devrait y avoir là, pour nous, matière à réflexion et approfondissement.
Prendre acte de la différence des minorités vivant, de fait, sur notre sol, mais, en revanche, affirmer les droits spécifiques de la majorité, admettre le mode de vie d’une minorité sans se priver de rappeler que la loi de la mojorité reste la norme de notre nation, pourrait être, me semble-t-il, une solution efficace et réaliste à la situation de notre société.
Reste qu’en dehors même des notions de minorité et de majorité, il y a l’être historique profond de la Nation France qui s’inscrit, du moins encore pour l’instant, dans des cadres et limites définis par la géographie et par l’Histoire.
Comment prendre en compte et articuler l’ensemble de ces notions, dans un contexte où l’idée même d’une France, fait d’histoire et produit d’un héritage, est largement contestée ?
L’individu est aujourd’hui en contact aussi bien avec le monde et qu’avec son environnement immédiat.
Les notions de fidélité à la nation et de vie citoyenne se superposent à la vie privée et à la fidélité à la culture.
Pour tenter d’éclairer un peu le débat, je citerais Michael Sandel parlant de la diffraction de la souveraineté :
« L’alternative la plus prometteuse à l’Etat souverain n’est pas la communauté mondiale fondée sur la solidarité du genre humain, mais une multiplicité de communautés et de corps politiques……L’Etat-nation ne doit pas disparaître, mais seulement abandonner sa prétention à être le seul de la puissance souveraine et l’objet principal de l’allégeance politique. …… Seul un régime qui disperse la souveraineté à la fois en haut et en bas peut combiner la puissance requise pour rivaliser avec le marché mondial et la différenciation nécessaire à une vie publique qui aspire à engager la participation consciente de ses citoyens ».
C’est une vision très monarchiste de la société, non?
Intéressante discussion! J’aurais tendance à dire à Gérard Pol que les français de tradition sont en France une minorité et non une majorité, et même qu’ils ne peuvent espérer avoir de droits collectifs qu’à la condition de s’affirmer en tant que tels.
Quant à Sebasto, j’inclinerais à qualifier Michael Sandel, peut-être pas de monarchiste, car le terme prête à confusion, mais en tout cas de communautariste et peut-être contrerévolutionnare.