Par François Marcilhac.
Article-éditorial du numéro de janvier 2022 du Bien Commun.
Alors que les prochains mois, comme les mois passés, ne seront occupés que par la prochaine élection présidentielle, à tel point que le temps politique semble suspendre son vol devant la lutte des égos à laquelle s’est presque réduite l’élection-phare voulue par le général de Gaulle, c’est aux royalistes qu’il appartient naturellement de replacer l’essentiel au cœur du débat. Et ils le font non pas en présentant aux Français des promesses qui n’engagent que les naïfs qui y croient, mais en ciblant les défis cruciaux que la France doit relever pour assurer non seulement, comme le rappelait Maurras, « l’avenir que tout esprit bien né souhaite à son pays », mais tout simplement la possibilité même d’un avenir. Car, insistait-il : « La politique n’est pas conçue pour destiner de beaux trépas aux enfants de France, elle doit commencer par pourvoir à leur vie normale, à leur protection, à leur défense. » Or, ce principe du rempart qu’est la politique, chacun sait qu’il est battu en brèche par près de cinquante ans de renoncement, voire de trahisons — le mot n’est pas trop fort — sur tous les plans.
CINQUANTE ANS DE TRAHISONS
Le plan économique, tout d’abord, avec la désindustrialisation préméditée de notre pays, livrant des pans entiers de secteurs stratégiques à l’étranger — nous l’avons vu avec le covid, mais ce n’est qu’un exemple de dépossession : l’énergie, l’armée, les transports, notamment, sont concernés. Le plan social, ensuite, avec une politique migratoire provoquant le chômage de masse des nationaux tout en favorisant la baisse des salaires, laquelle, en un cercle vicieux, provoque un appel d’air à l’immigration, « les Français ne voulant plus exercer certains métiers » ….
Le plan civilisationnel, bien sûr, et doublement. D’une part le regroupement familial, voulu par des élites dénationalisées, a provoqué en France le rassemblement de communautés étrangères sur son sol. Une vie sociale parallèle favorise alors l’émergence d’une économie souterraine gangrénant des quartiers entiers devenus de véritables zones de non-droit, qui pèsent sur la prospérité nationale. En même temps, au nom de l’idéologie mortifère de la diversité et de l’« inclusion », nos politiques ne visent nullement à intégrer ces populations, si bien que la France devient de plus en plus ce patchwork multiculturel, où le vivre-ensemble se réduit à un vivre-à-côté, quand ce n’est pas à un vivre-contre. Contre les nationaux, mais aussi contre l’identité nationale elle-même, que vise plus particulièrement la cancel culture, l’imaginaire américain polluant de plus en plus l’imaginaire français par l’action de « minorités » autoproclamées aussi agressives que victimaires, voire geignardes et qui, proches du pouvoir ou des médias, veulent non seulement déboulonner des statues ou débaptiser des rues mais, plus radicalement, éradiquer notre histoire et notre culture.
D’autre part, les lois dites sociétales, fondées elles aussi sur le déracinement, ne visent qu’à remettre en cause, au nom d’un individualisme devenu fou, les solidarités naturelles, jusqu’au fondement même de la nature humaine, à travers la destruction du mariage, de la famille ou de l’identité sexuelle. Nos enfants sont les premiers visés avec la complicité des ministres de l’éducation successifs : introduction à l’école de l’enseignement de la prétendue théorie du genre, intrusion parallèle dans les établissements d’associations homosexualistes ou LGBTQI+, qui visent à endoctriner les adolescents et, en profitant du mal être propre à cet âge, à les « déconstruire », c’est-à-dire les détruire.
Quant au plan politique, depuis les funestes traités de Maastricht et de Lisbonne (ce dernier succédant au traité constitutionnel refusé par les Français), contre lesquels s’étaient successivement levés le grand-père et le père de l’actuel comte de Paris, l’« Europe », ou plus exactement, le Léviathan germano-bruxellois est devenu le véritable maître du pays, plus intrusif qu’une puissance occupante. Il cherche en effet à retirer toute leur légitimité aux Etats, à travers des diktats (la Commission européenne), un semblant de « légitimité démocratique » (le Parlement européen), et le droit (la Cour de Justice de l’Union européenne), sans oublier cet autre facteur de soumission à un ordre supranational autant idéologique que juridique qu’est la Cour européenne des droits de l’homme, bras armé du Conseil de l’Europe et de sa funeste Convention.
DIX AXES DE SALUT NATIONAL
Oui, c’est la possibilité même d’un avenir qui se joue pour notre pays, c’est son existence qui est en jeu comme nation indépendante et libre. Libre de continuer à vivre selon son identité, sa civilisation — son héritage —, dont les racines sont catholiques, c’est-à-dire tout à la fois grecques, romaines, juives et chrétiennes. Et indépendante au plan juridique, c’est-à-dire jouissant de sa pleine souveraineté, tant intérieure qu’extérieure. Intérieure, pour décider, elle seule, des lois sous lesquelles veulent vivre les citoyens français ; extérieure, pour refuser tout enfermement dans une coalition qui interdise à notre nation de mener cette diplomatie équilibrée qui lui est traditionnelle et qui est conforme autant à ses intérêts qu’à ceux de la paix dans le monde.
C’est pourquoi l’Action française a décidé de réviser les dix axes de salut national qu’elle avait élaborés il y a deux mandats présidentiels, et qui font l’objet du dossier du présent numéro, déterminée à indiquer sans aucun esprit de compromission les pistes, parfois exigeantes, à emprunter de manière prioritaire par la France pour sortir de sa crise non seulement économique et financière, mais également et avant tout intellectuelle et morale. C’est donc « sans aucun tabou » et tout à fait prête « à casser les codes » du politiquement correct et de la bien-pensance idéologique qu’elle a travaillé, en ayant pour seule boussole, conformément à sa raison d’être, l’intérêt national. C’est ainsi que, comme elle le précise dès l’exposé des motifs : « L’Action française est bien évidemment consciente que la politique qu’elle propose impliquerait de réviser plusieurs de nos engagements internationaux, notamment européens. » Ainsi que la Constitution.
C’est pourquoi, après un préambule consacré à la nation et à la nationalité, qui constituent le socle même de notre existence, nous avons déterminé de grands chapitres — l’écologie, l’énergie et le développement durable ; l’immigration, la sécurité et la justice ; l’instruction et la famille ; l’aménagement du territoire et la politique économique ; enfin, l’indépendance nationale et la politique étrangère — qui couvrent les différents secteurs indispensables à la vie d’un pays et qui, tous, directement ou indirectement, intéressent le régalien, c’est-à-dire notre souveraineté et, à travers l’exercice de la puissance gouvernante, le Bien commun lui-même — « régalien », faut-il le rappeler, étant issu du latin regalis : royal. S’il en faut la preuve, jamais nos rois ne se sont désintéressés de ces différents domaines ; sans compter la monnaie, élément fondamental de souveraineté que la République a livré à ce même Léviathan germano-bruxellois.
Il va de soi que c’est en fonction du degré de proximité ou d’éloignement des candidats avec ces dix axes que nous formulerons notre choix pour la présidentielle. Il va de soi aussi que ces dix axes n’engagent que l’Action française et les royalistes conséquents qui militent en son sein dont, pour reprendre les mots du duc d’Orléans, Philippe VIII, « la liberté et l’indépendance […] pour l’efficacité de leur action » sont, « je crois, nécessaires ».
L’Action française a deux missions : sauvegarder l’héritage, ramener l’héritier. Ces dix axes, dans la fidélité au souci capétien, répondent à la première. Ce faisant, nous travaillons à la seconde, présentant à Monseigneur le comte de Paris, à Madame, au Dauphin et à toute la famille royale nos meilleurs vœux pour 2022. ■