Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Russes et Américains se sont donc à nouveau rencontrés (Genève, vendredi 21), occasion pour MM. Blinken et Lavrov de re-prendre acte de leurs désaccords, se menaçant mutuellement de graves et dangereuses conséquences et représailles au sujet de ce qui est « inacceptable » pour Washington et « non négociable » pour Moscou – mais en s’engageant à poursuivre un « dialogue raisonnable »…
On notera quand même que ce fut encore sans la participation de l’Europe, ou plutôt de l’Union européenne. Deux raisons évidentes, et bizarrement concordantes, à cela. D’une part, M. Poutine tenait à ce que la Russie traite sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis, sans interlocuteur superfétatoire, c’est-à-dire sans représentant d’une Union européenne qui le traite par le mépris alors qu’elle-même n’est pas maîtresse de son propre destin. Et voici justement la seconde raison : que ce soit inconséquence ou pusillanimité, les membres de l’Union avaient, à l’occasion du sommet européen de juin dernier, refusé majoritairement de donner suite à une proposition franco-allemande d’ouvrir des discussions avec Moscou sur tous les problèmes bilatéraux : par ce refus, ils se sont condamnés à ne jouer qu’un rôle secondaire en Europe même – il fallait le faire !
En ce temps-là, Mme Merkel était encore chancelière et son choix du gaz russe n’était pas pour rien dans son entente avec M. Macron. Aujourd’hui, avec leur nouveau gouvernement, les Allemands s’enfoncent dans l’ambiguïté : à l’humanisme pragmatique de Mme Merkel a succédé l’idéologie humaniste virulente d’une coalition prête à dénoncer tous les autocrates de la planète, à commencer par M. Poutine, tout en se trouvant plus que jamais dans un état de dépendance totale par rapport au gaz russe, situation aggravée par la hausse actuelle des prix de l’énergie. Du coup, le tête-à-tête russo-américain ne dérange plus trop nos voisins d’outre-Rhin.
En revanche, la France reste, volens nolens, marquée par un certain esprit gaullien. Mais, là où De Gaulle privilégiait la nation, M. Macron poursuit le rêve impossible d’une Europe puissance politique et militaire, responsable à part entière dans le domaine de sa sécurité. Il a ainsi, dans son discours de Strasbourg (mercredi 19), souhaité que les Européens définissent entre eux une nouvelle « architecture de sécurité pour l’Europe », avant de la soumettre à l’Otan, puis à la Russie ! On ne peut pas dire qu’il ait suscité une grande approbation. Quand comprendra-t-il que l’U.E., par sa nature même et par toute son histoire – qui commence au moins avec le « marché commun » du traité de Rome (1957) et même plus tôt – cette Europe-là est un obstacle à ce qu’il souhaite confusément, et qui ne pourrait se concrétiser que dans le cadre d’une solide alliance militaire et politique entre nations européennes souveraines ?
Que les deux moteurs historiques de la « construction européenne », dont le poids et l’influence restent par ailleurs très importants, n’aient pas su ou pu convaincre une majorité de leurs vingt-cinq partenaires n’a qu’une explication : majoritairement membres de l’Otan et fidèles alliés des Etats-Unis, ceux-ci, peu ou pas concernés par les velléités françaises ou les problèmes de la riche Allemagne, ne veulent pour rien au monde renoncer aux garanties nord-américaines. Finance et commerce leur suffisent. Certains vont même plus loin dans la servilité : ainsi, les pays baltes qui ont décidé de fournir à l’Ukraine des missiles antichars et antiaériens, à l’instar et avec l’approbation des Britanniques et des Américains.
Comment ne pas voir dans cette décision une forme de provocation à l’égard de Moscou ? Aboiements de roquet qui masquent l’impuissance réelle des Baltes et, plus généralement, de l’Union tout entière. M. Macron poursuit des chimères, les autres se couchent : c’est l’Union européenne. ■
** Agrégé de Lettres Modernes.
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L’Europe n’est qu’un conglomérat de « marchands de tapis incapables de s’unir tant les intérêts sont divergents, l’Allemagne a besoin de la Russie, les Baltes la craignent, car forte proportion de Russes notamment en Lettonie et Lituanie, qui pourraient devenir les « SUDETES » de la Russie. Les pays de l’Europe de l’Est ont compris qu’ils n’avaient rien à attendre de l’Ouest en cas de conflit avec leur ancien maître, d’où la docilité envers les Américains