Journal, Tome II, 1919/1926, Note du 15 novembre 1920 : « Le général Wrangel est battu. La France n’a pas à regretter de l’avoir soutenu à un moment grave, celui où l’armée rouge marchait sur Varsovie pour tendre la main à l’Allemagne. A ce moment, le général Wrangel opérait en Crimée une diversion utile. …
Comme nous arrivions en Avignon, nous ne manquâmes pas de rencontrer l’excelllent Mouret et son automobile à la gare… Quand vous irez en Avignon, Mouret est un chauffeur que je vous recommande. Il connaît la Provence route par route, arbre par arbre, pierre par pierre. Ses itinéraires sont d’une précision infaillible, et il sait, de son pays, toutes les belles et toutes les bonnes choses… Donc, comme nous convenions avec lui d’une promenade, (cela en lui ressemble guère d’être questionneur), il nous demanda d’une voix devenue soudain un peu inquiète :
– « Nous passerons quand même à Maillane peut-être ? »
Je ne saurais dire ce qui était le plus significatif et le plus touchant, de ce « quand même » ou du visage du bon Mouret, un visage hâlé par le mistral, et sur lequel passait à ce moment-là un nuage de mélancolie.
(Paru le 10 février, lendemain de sa mort, dans le journal « L’Eclair de Montpellier », cet article est le dernier de Jacques Bainville…)
« Selon le mot célèbre, il est des morts qu’il faut qu’on tue. Et il y a aussi ces gens qu’un personnage de théâtre tuait et qui se portaient assez bien. Tel est le cas du capitalisme. Avait-on assez annoncé qu’il se mourait, qu’il était mort ? « Vieillard, va-t-en donner mesure au fossoyeur. » On le traitait comme un cadavre. On répétait le classique jam foetet « il pue déjà ». Il y a peu de temps encore, dans un congrès socialiste, un orateur s’écria superbement : « Nous n’aurons même pas besoin de le renverser. Il tombe tout seul. Il s’éboule. » Au fond, cette idée était de celles que Karl Marx appelait avec mépris « petites bourgeoises ». Elle se composait d’un mélange d’esprit catastrophique, de pessimisme et de panique. Elle était inspirée par la « crise ». Tout le monde sait que le gros public, moutonnier, n’achète jamais en baisse. Il suffit qu’une valeur descende à la Bourse pour qu’il la croie perdue. Il croit bon tout ce qui monte. Il ne connaît pas de milieu entre la hausse illimitée et la chute verticale et sans remède.
« …L’événement prévu depuis les débuts du règne, depuis le mariage avec Marie-Thérèse, approchait. Le roi d’Espagne Charles II, beau-frère de Louis XIV et de l’empereur Léopold, allait mourir sans enfant. Selon que Charles II laisserait sa succession à l’un ou à l’autre de ses neveux, le sort de l’Europe serait changé. Le danger, pour nous, c’était que l’héritage revînt aux Habsbourg de Vienne, ce qui eût reconstitué l’empire de Charles Quint. D’autre part Charles II ne se décidait pas. D’innombrables intrigues se croisaient autour de son testament. Louis XIV pensait aussi, et avec raison, que si un Bourbon était désigné, ce ne serait pas sans peine et peut-être sans guerre qu’il recueillerait le magnifique héritage : Espagne, Flandre belge, une grande partie de l’Italie, le Mexique et presque toute l’Amérique du Sud. Pour un homme aussi sensé, c’était trop beau. Il savait maintenant que, dans tous ses projets, il devait compter avec les puissances maritimes. En outre, il était clair que l’Angleterre convoitait les colonies de l’Espagne. Louis XIV préféra donc négocier un traité de partage de la succession espagnole et, pendant près de trois ans, la carte de l’Europe fut maniée et remaniée de façon à donner satisfaction à tous les compétiteurs, Habsbourg et Bourbon, Bavière et Savoie. Les plans de Louis XIV étaient toujours dirigés par le principe des frontières et c’était en Lorraine, dans les Alpes, à Nice, qu’il cherchait des compensations à ses abandons de l’héritage espagnol. La mauvaise foi de Guillaume d’Orange (ci-dessus), au cours de ces pourparlers, est certaine, car seule l’Angleterre, dans ces projets, ne recevait rien.
Somme toute, que reproche-t-on à l’orthographe usuelle ? D’être difficile à apprendre ? Que propose-t-on de lui substituer ? Une orthographe simplifiée et mise à la portée des instructions les plus négligées ?
C’est ici que réside ce qui n’est pas seulement une erreur mais une sottise. Qui ne voit aussitôt que, si l’on raisonne pour les paresseux ou pour les pauvres d’esprit, il n’y aura jamais de simplification suffisante ?
Il faut aller tout de suite à l’extrêmité, et l’extrêmité c’est l’orthographe phonétique, le droit donné à chacun d’écrire comme son oreille entend. Du moment qu’il y a une orthographe, elle sera toujours trop compliquée, il faudra toujours l’apprendre.
Comme il y aura lundi deux cent ans que NicolasBoileau nous a quittés, la loi du journalisme veut que Boileau soit sujet d’actualité. Et c’est un sujet dont le renouvellement n’est pas facile. Voici pourtant, à titre de renseignement, les diverses manières dont il convient de parler de Boileau si l’on veut qu’un journal insère l’article ou que des convives écoutent le paradoxe :
1. Boileau Parisien. On fait ressortir le goût de Boileau pour la capitale, où il est né, qu’il n’a pour ainsi dire jamais quittée. Boileau, précurseur, a « lancé » Auteuil et les quartiers de l’ouest. S’il vivait de nos jours, il ferait campagne contre les embarras de Paris. Développements nombreux et variés.
De Jacques Bainville, Journal inédit 1914, pages 8/9/10 :
« …Ce jour-là, à 9h45, comme je venais d’être informé que les Allemands avaient fait sauter les ponts et coupé les voies entre Metz et la frontière, je m’étais rendu au Télégraphe de la Bourse. Je sortais du bureau déjà encombré et bruissant, lorsqu’un homme dit rapidement en passant près de moi : – Il se passe quelque chose de très grave : Jaurès vient d’être assassiné. – Où, et quand , demandais-je à l’inconnu. – Au Café du Croissant , il n’y a pas dix minutes.
De Jacques Bainville, Journal, 1914, pages 93/94, note du 20 septembre : 5 septembre 1914 : Mort de Charles Péguy « Nous avons appris presque en même temps la mort héroïque au champ d’honneur de Charles Péguy et la destruction de la cathédrale de Reims. Ce Péguy ! Il était avant-hier une espèce de dreyfusard tout …
Timon de Phlionte disait de son maître Pyrrhon : « Je l’ai vu simple et sans morgue, affranchi de ces inquiétudes avouées ou secrètes dont la multitude des hommes se laisse accabler en tout lieu par l’opinion et par les lois instituées au hasard. » Tel nous voyons chaque jour Charles Maurras et ceux qui …
Pierre Builly sur Quand, il y a 155 ans,…
“J’ai lu quatre fois « L’Éducation sentimentale » sans jamais en retenir quoi que ce soit ; c’est…”