(Comme tous les textes publiés dans cette catégorie, celui-ci, aussitôt paru, est incorporé à notre album Maîtres et témoins…(II) : Jacques Bainville. – 132 photos)
Mutatis mutandis, évidemment, on ne pourra s’empêcher, en lisant ces lignes, de penser au rôle analogue à celui des prêtres orthodoxes dont parle ici Bainville, joué chez nous, entre la chute de l’Empire romain et l’An mille, dans ces monastères où d’humbles copistes, anonymes, ont sauvé et transmis le trésor de la Sagesse antique; trésor qui ne fut ainsi jamais perdu, et devait permettre les renaissances futures, l’Islam n’étant absolument pour rien dans cette transmission, comme l’a magistralement montré Sylvain Gouguenheim dans son « Aristote au Mont Saint-Michel », dont on trouvera un résumé, court mais complet, dans notre Album : Racines (II) : Le Mont Saint Michel…
Soulevant un instant les lourds soucis de l’heure présente, la méditation doit s’arrêter sur ces champs de bataille de l’Orient où les armes prennent leur revanche de désastres séculaires. Honte aux esprits obtus et aux imaginations pauvres qui nient que « les vivants soient de plus en plus gouvernés par les morts » ! Honte aux intelligences mesquines pour qui est invisible la chaîne qui relie les générations d’un même peuple ! En pénétrant dans Uskub reconquise, le dernier soldat de l’armée serbe savait qu’il entrait dans la ville qui, voilà six cents ans, était la capitale de ses aïeux. En battant les Turcs au Champ-des-Merles (Kossovo, en langue slave), le plus humble des fantassins de Serbie savait qu’il prenait la revanche d’une bataille perdue par les siens cinq cent vingt-trois ans plus tôt.
C’est ainsi que l’Histoire et le passé règlent la vie du monde moderne.
Seulement, si la nation serbe s’est réveillée après des siècles d’oppression et de sommeil, si elle s’est mise tout entière au service de l’idée de revanche, si le nationalisme est devenu sa règle de vie, il ne faudrait pas se figurer tout de suite que ces choses-là se sont faites toutes seules et par création spontanée. Comme à tous les grands mouvements de même nature qu’enregistrent les annales de l’espèce humaine, il a fallu d’abord les gardiens de la flamme, et puis des excitateurs qui furent des philosophes, des savants, des intellectuels, avant que le constructeur politique, puis le soldat, apportassent les conditions du succès définitif.
Lire la suiteLire Jacques Bainville (XXXV) : La revanche de Kossovo
Anne sur Remarquable note de réflexion : Avec…
“Si vous trouvez que l’UE fonctionne comme un bloc vous avez des dons de voyance.”